Tel l’aigle qui chute sur sa proie, il enfouit ses deux mains dans les cheveux blonds et prit sauvagement sa bouche en feu.
Florence sursauta. En même temps que la surprise, elle ressentait un terrifiant bien-être. Les lèvres de Yorgos la désaltéraient, ses doigts sur sa nuque la picotaient comme de duveteux cristaux de neige incapables de fondre. Elle voulait se révolter mais ne se débattait que mollement. Des lambeaux de conscience lui ordonnaient de résister : elle serrait les dents et détournait la tête, vers la droite, vers la gauche ; elle en éprouva au contraire un plaisir accru.
Elle avait l’impression de sortir d’un long rêve, plein de péripéties. Ce n’était pas réellement un cauchemar, puisque l’amour y avait tenu sa place, mais tout de même, il la laissait anéantie d’un lancinant désespoir.
Elle comprit soudain que, dans son esprit, le temps s’était contracté. Tout ce qu’elle avait vécu depuis qu’elle avait passé sa dernière nuit ici, en compagnie de son oncle, lui donnait une sensation d’irréalité.
Elle retrouva vite ses esprits. Le somnifère lui avait procuré une détente bien méritée, et elle se sentait prête, tout à coup, à prendre la vie du bon côté.
Elle a jeté son dévolu sur tous les hommes dont elle avait rêvé en cachette au temps de sa laideur. Elle n’a jamais connu les « pures amours enfantines », comme disait le poète. Elle n’était pas présente à nos innocents rendez-vous, lorsque garçons et filles se retrouvaient au crépuscule autour de la margelle du puits… Je crois qu’elle veut rattraper le temps perdu, et qu’elle s’y prend finalement très mal avec la gent masculine.
Elle avait aussi essayé son charme sur Zaharias, lorsqu’il était encore svelte et beau garçon… Puis sur bien d’autres ! Chez nous, ce genre d’attitude ne pardonne pas. C’est à se demander si elle ne le fait pas exprès pour rester vieille fille et punir ses parents de leurs sombres prédictions… Hélas, lorsque j’essaie de la raisonner, elle se cabre et toute discussion est impossible.
Elle avait un physique ingrat. Elle était même très laide. Elle a passé une adolescence recroquevillée entre des parents qui se lamentaient en prédisant qu’elle resterait vieille fille. Puis, du jour au lendemain, elle est devenue la beauté que tu connais.