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Critique de Bastien_P


A ne surtout pas laisser tomber dans l'oubli…

Essayons de ne pas laisser l'amour de Dune fausser cette chronique.
En effet, la traduction exemplaire qu'avait faite Michel Demuth des trois premiers tomes alimentait déjà une certaine affection pour cet auteur. Après avoir voyagé dans Les Galaxiales, je comprends pourquoi il était prédestiné à accomplir cette mission : l'art subtil de l'analyse psychologique, de la tension intime, du débat intérieur, conscient ou non, occupe une place essentielle dans ses nouvelles comme dans l'univers d'Herbert. Rendre les scènes figées vivantes, ce n'est pas donné à tous, et c'est selon moi le point fort de Demuth. La chose n'est jamais forcée, indigeste. Alors, s'est-il inspiré du maître pour ce rendu humainement crédible ? Possédait-il déjà, avant Dune, cette empathie d'esprit ? Dune est clairement plus abouti en la matière, aussi je pense que Michel Demuth a tenté de s'approcher de ce qui l'avait touché dans la plume d'Herbert, et il ne démérite pas. En cela, les deux auteurs se sont trouvés, comme un auteur et son traducteur se trouvent trop rarement.

Trêve de Duneries ! Parlons un peu de ces nouvelles françaises d'il y a un demi-siècle. Tout d'abord, le style n'a pas trop mal vieilli. Certaines projections futuristes peuvent faire sourire aujourd'hui, des idées fixes ou des fantasmes de rêveur des Trente Glorieuses, mais globalement l'on perçoit toujours cette fraîcheur propre aux auteurs qui n'ont pas fait de l'anthropocentrisme leur religion, en s'ouvrant notamment sur l'Univers et ses possibles. L'humain est au coeur du récit, oui, mais le sujet est bien son adaptation, son évolution à des contraintes et des enjeux qui le dépassent.

Les Galaxiales est une série de textes reliés par une chronologie datée, celle de la conquête des étoiles par l'Homme. Attention, ici, la science-fiction n'est pas l'objet, mais le support à des considérations sociales, géopolitiques, spirituelles et par-dessus tout organiques. Comment l'être humain va-t-il supporter ce voyage ? L'encaisser mentalement et physiquement ? Quelles rencontres et quels effets sur son corps, son esprit ? Les attentes de la hiérarchie, le culte et le pouvoir, la part de risque, l'engagement et l'imprégnation de tout un être par cet environnement nouveau, étranger. La trame de ces nouvelles est assez convenue, certes, mais pour moi, c'est l'immersion dans les pensées et les ressentis des personnages qui fait vibrer et résonner le récit. En nous. Les leviers sont viscéraux, ancrés profondément. La peur, les démons, l'instinct de survie, la filiation, l'expansion et la conquête… L'âme humaine sur le fil.

Une seule de ces nouvelles a su m'émouvoir réellement, dans sa capacité à doter d'une conscience un organisme mystérieux et, surtout, à réaliser sa symbiose (même furtive) avec un être humain. Il y avait de la poésie dans cette dépendance mutuelle, une étonnante complémentarité entre l'esprit et la matière, entre un équipage en sursis et cette entité boulimique. Brillant !
Les autres ont toutes réussi à maintenir ma curiosité à flot. Michel Demuth fait incontestablement partie des piliers de la SF, de ces bâtisseurs d'un genre que l'on tentera à jamais de renouveler, en vain.

N. B. C'est la troisième fois (après Solaris et L'Incident Jésus) que je découvre dans mes lectures cette fameuse entité fantasmée : un océan de plasma, conscient, décrit comme un gigantesque organisme capable d'interagir avec son environnement et ses visiteurs. J'ai manqué un épisode dans une quelconque culture religieuse, un récit précurseur ? Ou bien s'agit-il plus simplement d'une référence à la mythologie Gaïa, à cet océan nourricier source de toute vie ? Peut-être ces auteurs sont-ils naturellement conscients de leurs origines et éveillés, reliés à la seule entité qui mérite un statut divin.

Quelques grosses coquilles oubliées dans cette édition de 1976 ; le style n'en demeure pas moins impeccable. Je conseille Les Galaxiales aux lecteurs souhaitant voyager dans l'une des origines du space opera, tout en laissant l'humain et sa conscience au premier plan.
Lien : https://editionslintemporel...
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