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Citations sur Le soin des choses (8)

C'est le pari de ce livre : nous posons l'hypothèse que la maintenance elle-même a une portée politique. Dans de nombreuses situations, l'art de faire durer les choses participe en effet d'une forme de relation aux objets qui ne s'aligne pas avec ce qui est habituellement mis en avant, non seulement lorsque sont vantés les supposés bienfaits du « progrès technique », mais aussi lorsque sont critiquées les dérives matérialistes de la société de consommation. Maintenir, c'est souvent résister à l'obsolescence et rompre un temps le cycle du remplacement incessant. Mais c'est aussi troubler les principes d'une version de l'économie circulaire qui n'a d'yeux que pour la production, la consommation et le recyclage. Sur un autre plan, maintenir c'est également perturber les projections d'un futur souhaitable ou inquiétant, qui obnubile l'attention collective, parfois jusqu'à la paralysie. C'est agir dans la trame ordinaire du quotidien, ici et maintenant, sans arrimer les préoccupations à l'horizon aveuglant d'une crise insurmontable, toujours à venir.
C'est à la découverte de ces politiques de la maintenance, à peine esquissées ici, que nous voulons nous atteler, en nous rendant sensibles aux choses et à celles et ceux qui en prennent soin.
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Plutôt que la nier ou la négliger, la maintenance prend l'usure des choses comme point de départ. Elle l'appréhende comme une condition commune, qui oblige les humains à imaginer différentes formes de diplomatie avec la matière. C'est en ce sens que la maintenance peut être vu comme un soin des choses.
(…)
La maintenance passe par un contact avec la matière au gré duquel, en mobilisant le regard, mais aussi le toucher, l'ouïe ou l'odorat, les personnes qui prennent soin des choses s'attachent à les laisser s'exprimer. Cette enquête incertaine, ouverte à l'imprévu, montre que la maintenance est aussi un art de faire connaissance avec les choses à même leur surface.
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L'enjeu n'est plus ici de comprendre ce qui sature l'attention d'une grande part des citoyennes et citoyens des pays riches, mais de réaliser ce qui lui est soustrait. Ce que l'on appelle communément la « société de consommation » repose sur une oblitération systématique de la fragilité matérielle des choses. Une négation de l'usure qui configure la négligence des consommatrices et des consommateurs en déléguant le souci de la fragilité à une petite frange de la population mise au service de la fiction de la solidité et de la pérennité des artefacts modernes.
(…) nous pouvons apprendre à observer cette frange de la population au travail et trouver dans l'attention qu'elle cultive des leviers permettant de s'extirper du régime moderne de la consommation des objets, inattentive aux choses.
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Peut-être qu'en aimant, au moins un peu, les choses dont nous faisons l'usage, nous saurons nous rendre attentifs aux fragilités que le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui s'efforce de masquer. Cela passe par la mise en œuvre d'une relation matérielle intime, à l'affût des moindres aspérités et ouverte aux débordements.
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Prendre soin des choses, c'est être attaché à elles dans un double sens : à la fois tenir à elles et être tenu par elles. C'est « s'en faire » pour elles.
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Prendre soin d'une chose, s'assurer qu'elle dure, revient toujours à sélectionner, parmi la multitude de traits qui la définissent, ceux auxquels on tient et dont on souhaite prolonger l'existence; ceux qui, précisément, vont faire que c'est bien la « même » chose qui dure. Dans ce mouvement, de nombreux aspects de la chose seront à l'inverse délaissés, ou tout simplement ignorés. Cette opération ontologique est généralement enfouie dans l'ordinaire de la maintenance. Elle relève de l'évidence qui caractérise le mode d'existence de nombreuses choses. Ce n'est qu'en mettant en regard des situations concrètes que l'on peut en mesurer l'importance et que l'on peut saisir l'épaisseur de ce que signifie l'expression « faire durer ».
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Avec l'invention des produits jetables et le dénigrement systématique des pratiques domestiques d'entretien et de maintenance, la question de la durée de vie des objets s'est ainsi retrouvée très explicitement au cœur des innovations à la fois technologiques et marchandes qui ont caractérisé l'avènement de la « société de consommation ». Elle en a même été l'un des principaux moteurs, élément pivot de la configuration simultanée de l'offre et de la demande par les professions émergentes se spécialisant dans la mise en forme des marchés : les publicitaires et les experts de ce qui allait bientôt devenir le bien nommé marketing.
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Nous l'avons affirmé à plusieurs reprises, notre objectif dans ce livre était aussi de faire compter la maintenance et celles et ceux qui la pratiquent. Faire compter la maintenance, c'est donner à voir sous un angle nouveau les manières dont les humains mobilisent des artefacts de toute sorte pour habiter le monde. C'est montrer que si ces objets perdurent, s'ils peuvent agir et participer à la texture des sociétés humaines, ce n'est pas uniquement parce qu'ils ont été conçus et fabriqués dans des conditions particulières, c'est aussi parce que des femmes et des hommes en prennent soin et ne cessent de les appréhender comme des choses en devenir. Or ces femmes et ces hommes sont laissés à l'arrière-plan des récits triomphants de l'innovation et du progrès technique, en particulier lorsque la maintenance est leur métier. C'est donc un geste de repeuplement que nous avons cherché à effectuer et que nous appelons à poursuivre (…). En complément de la mise en lumière du rôle crucial que tiennent des objets dans la constitution des sociétés humaines, cette « masse manquante » que les sciences sociales ont longtemps négligée, l'étude de la maintenance appelle à prendre en compte la multitude des personnes, petites mains ou expertes reconnues, qui leur assurent une existence et une certaine pérennité. Un « peuple des choses » très hétérogène qui travaille au quotidien à assurer la continuité de la trame sociomatérielle du monde.
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