je sais qu'une des raisons principales de ma panne tient à ce que j'ai dépassé mes limites pendant plusieurs années. Lorsqu'on vide un puits, l'eau revient peu à peu - on ne sait pas d'avance jusqu'où - ou ne revient pas. Alors il est asséché pour toujours. Moi j'ai touché le fond du puits.
Je n'en peux plus. J'ai tout fait : les hôpitaux, les cliniques, les tests et même quatre séances chez un guérisseur. Un naturopathe m'a vendu un truc surnaturel, me garantissant que ça marchait très bien. Ça a marché : j'ai admiré les murs de mes toilettes pendant trois jours.
Je fixe le rétroviseur. Non par vanité, mais pour y observer le visage heureux qui s'y reflète. Car je suis heureux. La vie est bonne.
Une famille équilibrée offre à chacun de ses membres la protection d'un bunker. Et partager des moments heureux à plusieurs rehausse encore le bonheur de chacun de ses membres. Sans compter que c'est plus gratifiant qu'un bonheur égoïste.
S'il est vrai que nous accumulons des déchets matériels tous les jours, et de bien des façons, au début de mon burn out j'accumulais aussi beaucoup de déchets "virtuels" en moi. J'arrivais à la maison la tête pleine d'ordures, si j'ose la comparaison. A la radio, en effet, beaucoup de collègues venaient se confier à moi ou chercher conseil auprès de moi. En quelques sortes, ils faisaient de ma personne le réceptacle de leurs dégoûts, de leurs inquiétudes, de leurs angoisses, de leurs peurs, de leurs souffrances et de leurs larmes. Allez, jetez-moi tout ça dans mon container. Et chacun repartait vaquer à ses occupations rassuré, plus léger qu'avant. Moi, par contre, j'en ai trop pris et j'ai oublié de vider.
Ici encore, le terme "dépression" est tabou et le mot "maniaque" fait peur. Or comment réussir véritablement à aider quelqu'un quand le simple nom de sa maladie fait peur ?
Avoir le mal de tête, est-ce une maladie mentale ? Non. Avoir des migraines si sérieuses qu'elles nous font manquer le travail, est-ce une maladie mentale ? Quand on manque le travail, c'est qu'on est "malade". Une migraine, cela ne se passe pas dans les pieds...
Le malheur, il a fallu que je le vive pour finalement le comprendre.
Ne jamais se laisser gagner par le désespoir.
Ce qui me conduit à penser que c'est peut-être nous-mêmes qui créons nos maladies. En poussant trop les feux, en plaçant la barre trop haut et en refusant de connaître ses limites, le corps encaisse comme un punching-ball mais s'use peu à peu, et un jour on se condamne au K-O debout ou à mordre la poussière.