Marée haute

Près de moi, Laurent, avec sa vieille casquette et son menton à la Dalton, me gueulait des trucs comme s'il s'agissait de l'ouvrir plus grande que l'océan.

Pourquoi, aussi, je continuais à aller voir la mère. On ne faisait que se chercher et on emmagasinait trop de rancœur. Je manquais d'exploser et de lui en coller une sur le coin de la gueule. Aussi, sa présence me rappelait l'absence de maman, pas celle de sang, mais celle de l'amour, le vrai, le seul et l'unique. Je me revois encore devant sa maison, le jour de mon arrivée, un peu tremblant, parce que je suis un gamin, que je n'ai pas vu Julien depuis pas mal de temps. Je me méfie aussi de cette nouvelle famille d’accueil, normal.
( p 34 )

A la télévision, des cons s’excitaient pour un rien, l'histoire d'un totem qu'il leur fallait gagner dans une nature prétendument sauvage et hostile.
( p 13)

- Non, ton problème, c'est que tu réfléchis trop. Il te suffirait de penser à l'instant, de le vivre pleinement, mais tu extrapoles, tu anticipes et ça te fait plus de mal qu'autre chose.

Il faut leur dire à ces tarés, on leur laissera jamais une place ici, ils resteront toujours dans leur jungle, à Calais ou ailleurs. Il auront jamais d'appartement ou de maison à eux. On n'en voudra jamais comme voisins parce qu'ils feraient chuter le cours de l'immobilier. On leur adressera pas la parole pour éviter de les écouter mettre notre langue en charpie avec leurs accents de merde.

Tout ce qu'il est arrivé à sortir, c'était un truc du genre que réussir sa vie, c'est avant tout réussir à être soi-même sans se mentir, au diable les autres.

Dehors, le jour se levait, ensoleillé. Allongé près de son corps, j'ai pensé que ça serait une belle journée - j'ai osé.

Si l'État détruit mécaniquement les abris, les squats et les jungles sous le prétexte d'humanité, de salubrité et de sécurité, c'est des foutaises, du pipeau. Il veut juste faire disparaître les migrants, qu'on les oublie, parce qu'ils font mauvais effet.

Un matin, comme la veille et l'avant-veille, elle les a réveillés violemment, lui et ses amis d'infortune, en cognant à leurs portes, en leur criant dessus, comme à des chiens, Wake up ! Wake up !, en les aspergeant de gaz lacrymogène aussi. Puis les policiers ont pris toutes leurs affaires et y ont mis le feu.

L'Europe est devenue un monstre, au lieu de s'appuyer sur des principes moraux, son projet ne repose que sur la seule chose concrète à sa disposition : l'économie, les chiffres et la paperasse.