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Critique de Marcoskoff






Pour cette petite reprise, je vais vous parler de CONTOYEN, de Philippe Deschemin, aux éditions Cercle la Boétie.
L'objet est curieux, tout en noir et blanc avec une couverture sombre et très peu révélatrice. Ce qui ne peut que donner envie à un curieux comme moi d'aller plus loin.
Je plonge donc.

Je vais commencer par vous parler de ce que j'ai le moins aimé. Vous conviendrez que cela n'engage que moi. Je déteste le style "auteur complice qui sait déjà tout" ; vous savez, quand on vous préviens que les choses vont changer, souvent en pire, ou que les allusions pleuvent sur la situation finale.
Ça me rappelle toujours quelques expériences malheureuses de ma jeunesse : les matchs de foot en différé sur la Une dans les années 70. Il me souvient plus particulièrement d'une rencontre avec le Dynamo de Kiev (j'ai des origines ukrainiennes). le commentateur n'arrêtait pas de farcir son commentaires de "mais vous allez voir, ça va bien changer" ou pire des "Oleg Blokine va finir par marquer son but". Certains, comme mon père à cette époque, ne sont pas dérangés. Toujours est-il que cette façon de faire est désormais révolue.

Tout ça pour dire que j'ai trouvé le style un poil poussiéreux, bien que cela colle parfaitement à l'histoire qui nous est proposée.
Nous sommes dans un futur proche, pas plus d'une ou deux générations, l'humanité est partagée en zones mais surtout en trois classes : les "Protoyens", forçats prolétaires, extracteurs des matières premières et fabricant tout ce dont ont besoin les autres classes ; les "Contoyens", citoyens modèles tant qu'ils consomment jusqu'au dernier sou alloué, sans la moindre obligation de travailler ; enfin, restent les classiques "architectes", ceux qui tirent toutes les ficelles et qui profitent du systeme. On ne sait d'ailleurs pas par quel mécanisme exact ils arrivent à engranger des richesses en offrant un vie sans labeur aux Contoyens. Est-ce important ? Non.
Beaucoup d'éléments semblent survolés, mais l'auteur est journaliste, il sait distiller des indices et des détails pour alimenter sa pensée. Sa philosophie. Car il faut bien sûr prendre ce court récit pour un conte. Une fable.
Il n'y a ni corbeau, ni renard, ni laboureur mais on peut "cataloguer" sans mal chaque acteur de ce roman. Sans qu'un seul instant on ne vire au manichéisme. C'est d'ailleurs une des forces du roman.

C'est aussi une oeuvre de politique fiction ou de spéculative fiction. Ce qui explique le manque total de romance. On est dans le réel, dans la noirceur de la vie dont ne peut se défaire le héros contoyen. D'ailleurs, à ce titre, la fin peut sembler abrupte à qui n'a pas compris cela.
Cette noirceur empêchant tout romantisme est particulièrement exprimée dans une scène d'adieu qui devrait en glacer plus d'un.
Si l'ensemble est relativement linéaire (encore ce souci de vraisemblance) il y a quand même quelques fausses pistes qui permettent de laisser vagabonder l'esprit du lecteur. Sans qu'il puisse s'attacher à telle situation ou tel personnage. Car, c'est la stupidité, la rigueur et le rouleau compresseur de la réalité qui s'imposent. Une remarque, un regard, un sac oublié peuvent avoir des conséquences irrémédiables et instantanées.

Et l'histoire en elle-même me direz-vous ?
Et bien nous avons un de ces Contoyens, moins abruti que les autres par la consommation, plus intelligent qui commence à se poser des questions sur le simple sens de sa vie. Est-ce une vie de n'avoir pour seul souci de dépenser toute son allocation, chaque mois, car le système ne permet pas l'épargne ? Il y a bien la nécessité d'être vigilent, de faire attention, car de mauvais consommateurs disparaissent ou se retrouvent en bordure de zone : le début de la fin. Mais est-ce suffisant pour alimenter le besoin d'aventure ou juste de sens ?
Dimitri, notre héros, va rencontrer ce qu'il espère être un destin en la personne de David, un rebelle qui l'initie à la réalité du monde.
Autant dire que le chemin sera parsemé d'embûches.

Alors ? En résumé ?
En résumé, on peut investir quelques pièces dans l'achat de cet opus. Il Se lit très rapidement et ne peut que mener à la réflexion. J'ai déjà parlé du style, qui peut faire penser à Barjavel comme il est dit en 4 de couv ; il y a un vrai rythme, dû à un sens de l'ellipse consommé et à de très courts chapitres.
Bref... Je n'ai pas regretté une seconde de l'avoir ouvert. Il m'a certes laissé un petit goût de "pas assez", ne pouvant m'empêcher de penser que l'ensemble aurait pu être plus épais, sur plusieurs angles de vues par exemple. Je suivrais tout de même volontiers auteur et éditeur.

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