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Critique de 1001histoires


De nos jours il existe à Berlin un lieu de mémoire appelé « Topographie des Terrors » qui rappelle tous les crimes commis par les nombreuses institutions du Troisième Reich au nom des théories nazies sur une prétendue supériorité raciale. Ce roman reprend le nom de ce mémorial et met en scène ces structures policières et répressives ainsi que les moyens souvent dérisoires employés par le peuple allemand résistant. Régis Descott se démarque des auteurs qui ont choisi Berlin et la Seconde Guerre mondiale comme cadre d'un roman policier historique, son récit revêt des allures de documentaire d'une grande valeur historique.

Les deux personnages principaux ont été habilement choisis. le Kriminal Kommissar Gerhardt Lenz de la Kripo ( il travaille sous les ordres d'Arthur Nebe ) est un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, sa compagne Flora est juive, ils attendent un enfant. Gerhardt a un jeune frère, Arnim, journaliste contestataire obligé de se taire, il est homosexuel. Ces deux personnages cristallisent ce que le parti nazi ( NSDAP ) a désigné comme ennemis. Gerhardt a connu toutes les étapes de l'accession au pouvoir de Hitler et du NSDAP et son travail en 1943 se résume à faire en sorte que les multiples dénonciations envoyées à la Kripo aient le moins de conséquences possibles malgré la surveillance dont il fait l'objet. La presse est entièrement contrôlée et ne permet plus à Arnim de faire son travail de journaliste. Il résiste, à sa manière, aide des juifs mais aussi des artistes jugés décadents et prend des notes pour l'avenir.

Deux scènes de crime identiques vont entrainer Gerhardt au plus près du pouvoir et le rapprocher toujours plus de la terreur et de l'horreur. Les deux victimes sont médecins. Dans leur passé, le Kriminal Kommissar Lenz va découvrir le programme d'euthanasie de masse ( Aktion T 4 ) destiné à épurer le Reich de tous les parasites et races désignés par les théories du NSDAP et érigés au rang de danger pour une race blanche et pure. Ce danger martelé à la population allemande par la propagande de Joseph Goebbels incitait à la dénonciation. Personne ne savait à qui elle avait à faire, la crainte de la dénonciation favorisait l'autocensure. La terreur régnait partout, dans chaque immeuble, dans la rue et jusque dans chaque rouage de l'administration. C'est dans ce contexte que Gerhardt Lenz enquête, notamment dans les milieux juifs en espérant ne rien trouver et quitte à dissimuler la progression de ses recherches à sa hiérarchie pour que le coupable puisse fuir. L'auteur suit les codes du polar avec des indices, des fausses pistes, des impasses et des rebondissements. La recherche de la vérité est aussi passionnante que ne l'est l'enquête interne que subit Gerhardt et sa famille. le Gestapo et ses multiples départements et sections se renseignaient sur tout et tous, avec l'aide de tous ( dénonciation ) avant de recourir à la violence physique. Pour servir d'exemple des simulacres de procès au Tribunal du Peuple ( Volksgerichtshoh présidé par le sinistre juge Freisler ) prononçaient les condamnations à mort.

C'est tout ce contexte, toute cette topographie de la terreur que Régis Descott explore de manière détaillée avec un grand talent de narrateur. Sous les bombardements alliés de plus en plus nombreux, l'histoire de Gerhardt et Arnim suit les méandres d'un état criminel qui les écrasent inéluctablement. le destin de ces deux allemands est aussi passionnant et source de suspense que la facette polar ou que la trame historique. Ce roman est inclassable, bien construit, bien écrit et source d'émotions.

Régis DESCOTT - « Topographie de la terreur » . Parution le 19 janvier 2023, Éditions de l'Archipel. ISBN 978-2-8098-4630-0 .
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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