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Critique de Christophe_bj


Oscar Jayack, un écrivain à la renommée vacillante, publie sur les réseaux sociaux un texte injurieux s'attaquant avec une grande bassesse à la célèbre actrice Rébecca Latté, notamment à son physique de femme vieillissante. Or, dans leur jeunesse, ils se sont connus. Rébecca lui répond de façon cinglante, ce qui n'empêche pas une correspondance de commencer puis de s'épanouir entre les deux personnages, très tendue au début, puis de plus en plus apaisée. Ils se racontent leur vie, et notamment leur dépendance à la drogue et à l'alcool. Mais Oscar est également aux prises avec le combat que lui livre son ancienne attachée de presse, Zoé Katana. Celle-ci lui reproche son harcèlement lorsqu'ils travaillaient ensemble, et l'engloutit dans la vague « #MeToo ». ● C'est le premier roman de Virginie Despentes que je termine, il est donc moins mauvais que ce à quoi je m'attendais. Au moins, il me paraît lisible. ● Je reprocherais plusieurs choses à ce roman : il n'y a aucune différence de ton entre les interlocuteurs. Despentes n'a pas fait l'effort de faire varier son style en fonction de celui ou de celle qui parle. Ils ont tous le style Despentes. Or dans un roman épistolaire, on s'attend à ce que chaque interlocuteur ait un langage spécifique. ● Dans ce genre de roman, c'est la lettre qui fait avancer l'action. Ici, il n'y a quasiment pas d'action. Les protagonistes alignent les poncifs du prêchi-prêcha moralisateur insoumis du moment. C'est très long, très ennuyeux et sans surprise. Il faut attendre la page 157 pour qu'il y ait une vraie interaction entre les personnages. En cela, on est aux antipodes des Liaisons dangereuses, livre auquel on a bien abusivement comparé Cher Connard, car dans l'oeuvre De Laclos les lettres sont vecteurs de l'action, induisant une réelle dynamique narrative, et les personnages ne font pas que raconter leur vie en rabâchant sans arrêt les mêmes réflexions. ● le genre du roman épistolaire permet surtout à l'autrice de nous balancer sans aucun effort de structuration et de mise en forme sa pensée conformiste et moralisatrice (même si elle la croit être le contraire). C'est une excuse facile au manque de travail, à la logorrhée qui coule au fil de la plume et qu'on balance à la tête du lecteur. Comme l'écrit Despentes : « C'est trop difficile, imaginer une histoire qui n'a pas existé. » ● Les personnages sont horripilants, Rébecca surtout, dans son autoglorification, dans son mépris des autres, dans cette beauté qu'elle porte au pinacle tout en bataillant contre l'injustice ; or il n'y a pas plus injuste que la distribution de cette beauté physique dont elle fait l'alpha et l'oméga de la vie. ● J'ai trouvé dommage qu'on ne voie pas concrètement le harcèlement dont est victime Oscar, notamment avec les posts de Zoé et leurs commentaires sur les réseaux. On n'en a que des résumés dans les quelques pages de son blog qui nous sont livrées. Dans le Voyant d'Etampes d'Abel Quentin par exemple, on sentait bien ce que cela pouvait être de se retrouver au milieu d'une guerre sur les réseaux, ce que Despentes appelle un « shitstorm », anglicisme tellement plus chic que « tempête de merde ». Ici, pas du tout. ● Une grande partie du roman concerne le Covid et le confinement : pour ma part j'en ai un peu marre qu'on me parle de ça… ● du côté du style, il y a certes des formules qui frappent, des phrases qui retiennent l'attention : « Ce truc de MeToo, c'était la vengeance des pétasses. […] Je lance une pierre avec la foule lors de la cérémonie de lapidation et j'appelle ça « partager ». […] Écrivain, c'est difficile à concilier avec une masculinité un tant soit peu dynamique. C'est tellement proche de la broderie, votre truc. […] Les gens aiment qu'on se détruise, c'est un spectacle intéressant. […] C'est horrible quand tu réalises que des mecs pas terribles commencent à penser qu'ils sont en droit de tenter leur chance. […] Les small talks, tous ces trucs de sociabilité courante – je m'ennuie. […] J'ai toujours été triste d'être moi. » ● Mais dans l'ensemble le style est relâché et vulgaire. ● En conclusion, un roman qui bénéficie d'un battage bien peu mérité. Comme l'écrit l'autrice : « La plupart des artistes ont trois choses à dire, une fois que c'est fait ils feraient mieux de changer d'activité. »
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