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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il était une fois une grande dame, appelée Yougoslavie, qui regroupait sept territoires où tout ne coulait pas de source. A force d'être harcelée par les uns et par les autres, elle finit, dévastée, dans l'affreux bouillon de la guerre civile du début des années 1990.

1995 – Les hostilités sont terminées mais il reste la méfiance, la confusion dans les frontières et les identités, des cicatrices et des rancoeurs vivaces.
Véra l'herboriste, soigne ses patients avec des recettes au miel et des histoires incroyables. Elle soigne le corps et l'esprit. Les siens et ceux des autres. le miel est reconnu depuis la nuit des temps comme remède antibactérien au pouvoir cicatrisant. Il évoque la douceur, la santé, la boisson préférée des dieux. Mais il est devenu rare, parfois même trafiqué.

Déjà au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Nikola a choisi la survie et s'est réfugié dans la montagne de la Krajina pour ne pas tomber aux mains des Oustachis. Il a développé des ruches, s'est marié, a été instituteur, a eu deux fils et a, à nouveau, connu la guerre. Son village, enclave serbe en Croatie, est détruit. Les habitants, quand ils ne sont pas tués, doivent quitter leur terre natale et leurs biens. L'un des fils, Vesko, est économiste à Belgrade, l'autre, Dusan, engagé dans l'armée serbe, se retrouve désenchanté et meurtri, contraint de demander l'hospitalité à son frère pour lui et sa famille.

Nikola a assisté à la destruction, à la férocité croate du haut de sa montagne, là où personne ne songe à le chercher. Un jour, il téléphone pour donner de ses nouvelles. Vesko, qui n'a pas participé à la guerre civile, veut aussi prendre ses responsabilités et tente de récupérer son père « en terre ennemie ». La peur au ventre, il s'engage sur les routes avec son vieux passeport yougoslave, rencontre un Russe énigmatique qui lui fournit les laissez-passer nécessaires. « Les hameaux abandonnés défilaient comme en songe. Il s'efforçait de regarder droit devant lui, mais frémissait en apercevant du coin de l'oeil les poutres calcinées et les murs à moitié effondrés, barbouillés de slogans qui semblaient ricaner tout seuls » (p. 82).

Il finit par retrouver Nikola, dans sa cabane, avec ses ruches. Et ses pots de miel aux couleurs d'ambre et de soleil couchant, rangés, étiquetés, manne improvisée d'une nature sauvage et paisible.

Le chemin du retour rend Vesko enragé par la lubie de son père qui a voulu embarquer son miel et donner des instructions à un apiculteur de ses amis pour sauvegarder ses ruches. Encore des frontières à passer et des zones interdites à franchir. Vesko craint le pire, son père est serein. le miel sert de levier à tous les contrôles, les palabres tournent autour de la santé. le nectar fait des merveilles.

Alors que Vesko se sent des envies de meurtre, la route de Véra croise la leur. Là encore, le miel remplit son office de conciliateur. Véra a un besoin urgent du liquide sucré, Vesko un besoin urgent de rentrer chez lui.

Le miel devient un symbole de générosité, de solidarité, d'humanité, de resserrement des liens familiaux, de retour à la nature, de leçon de vie. le périple de Vesko, le retour sur la terre de ses ancêtres, les ravages de la guerre, les retrouvailles avec son père, le désarroi de son frère, sont autant de prises de conscience que vient adoucir le miel dans son oeuvre de pacification.

La formule magique de Véra clôt ce roman aux allures de conte à lire à haute voix à la veillée, à l'école, au bureau : « Chacun de nos gestes compte ».
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Le miel sert de laisser passer à deux hommes déchirés par la guerre en Yougoslavie. le père resté en Croatie et le fils bien décidé à le ramener en Serbie. Quel périple! chaque difficulté va être contournée et résolue grâce à un pot de miel. C'est symbolique. C'est sucré. C'est prometteur pour celui qui accepte de le savourer.
Cette histoire est d'une délicatesse, d'une poésie, d'une justesse infinie.
Magnifique histoire ou la puissance de l'amour et de l'attachement entre deux êtres est plus forte que la guerre, ses larmes et son passage destructeur.
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Il a coulé en moi avec délice ,ce court roman au titre de douceur ambrée...

Insolite : c'est l'adjectif qui le caractérise le mieux. D'abord dans sa construction , qui me fait penser, par ses récits enchâssés ,aux" Contes des mille et une nuits", où le miel pourrait d'ailleurs figurer. En effet, le livre s'ouvre sur un texte à la troisième personne , et l'on comprendra après qu'il est celui du narrateur , ayant enregistré l'histoire racontée par Véra, l'herboriste, dont il est le patient. Elle-même la tient de Vesko, dit le Teigneux...

Bref, c'est avant tout le périple de Vesko, à travers la guerre serbo-croate, qui s'offre au lecteur. Insolite aussi, ce voyage dangereux, pour retrouver et ramener à Belgrade son vieux père, apiculteur ayant échappé par miracle à la tuerie de son village. Quel personnage que ce Nikola, préférant ses abeilles et et la nature à la civilisation ! Cette prétendue civilisation faite de cruauté et de barbarie, où les êtres d'un même pays d'origine s'entretuent.

Insolite enfin, ce thème du miel, qui, comme le titre le suggère, est au coeur du roman. Et Véra, ce beau personnage énigmatique le laisse deviner au narrateur, il écrit :" Je ne voyais alors dans son histoire qu'une aventure humaine. Je ne comprenais pas encore que c'était surtout pour elle un épisode de la vie des abeilles. Que le miel n'était pas seulement le fil rouge mais encore le héros du récit. "

Le miel comme lien, comme révélateur, comme sauveur...

Un roman étrangement beau, original, d'un auteur suisse né dans l'ex Yougoslavie. A découvrir!



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"Le miel" a le charme des contes orientaux avec une Shéhérazade balkanique, une herboriste qui soigne ses patients avec des histoires et des tisanes médicinales. le narrateur, à qui on a diagnostiqué un cancer du côlon puis une intoxication grave, n'échappera pas à ce traitement peu conventionnel qui mine de rien a des vertus bien plus grandes que celles attendues …
Car Véra ne raconte pas n'importe quelles histoires. Elle raconte des destinées individuelles à résonnance universelle, des histoires d'hommes qui réfléchissent celle récente et douloureuse de l'ex-Yougoslavie, une terre labourée par les guerres où persistent des conflits irrésolus. Si les armes se sont tues, il appartient aux hommes, sommés après la sécession du pays de démêler leur identité ethnique et religieuse, de retrouver leur identité profonde loin des fantasmes et peurs savamment entretenue par quelques journalistes, occidentaux et même d'anciens collègues de bureau parfois.


L'histoire aux allures de fable qui occupe tout le récit est celle d'une famille disloquée suite à l'indépendance de la Croatie : Nikola apiculteur resté sur la terre de ses ancêtres, une enclave serbe, et ses deux fils, Vesko à Belgrade rejoint en catastrophe par Dušan avec femme et enfants pour échapper aux représailles. Mais l'absence du verre du Vieux Nikola au pot des retrouvailles décide cette famille à franchir la nouvelle frontière croate pour ramener le père resté sur ce territoire qui leur est désormais interdit.
Road movie rocambolesque où la traversée de nouvelles frontières, de nouveaux pays se fait d'abord avec le soutien d'un russe un peu étrange mais aussi et surtout grâce à des bidons de miel reconnu pour ses vertus nourrissantes. Ce précieux nectar porte bien ce nom puisqu'il alimente une sorte de cordon humanitaire tenu qui relie les hommes quelque soit leur religion, quelque soit leur origine. Après la politique de la terre brûlée, c'est le genre de récit qui suscite l'espoir de voir repousser sur ces territoires une humanité apaisée et débarrassée de ses rancoeurs et haines.
Mais pour y parvenir, il faut peut-être avoir vécu sur le flanc des montagnes de la Krajina, ancienne enclave serbe au sein de la Croatie. Prendre de la hauteur et dépasser ce qui divise les hommes, à l'image de Nikola, qui en vivant en ermite auprès de ses abeilles sur le Mont Velebit n'a retenu que la substance essentielle aux hommes.


Roman remarquablement bien construit. Avec une plume aussi sombre que légère, Slobodan Despot sait raconter des histoires. A elle seule, l'écriture retient le lecteur captif, saisit toutes les particules d'émotions qui virevoltent dans les airs avec une sobriété efficace.
L'auteur peut également s'enorgueillir d'avoir le talent pour capter la vie d'après-guerre avec une tonalité slave qui épouse parfaitement les contours de ce récit dominé par des sentiments d'abandon, de mélancolie et de fantaisie mêlés. Peut-être parce qu'il est lui-même d'origine serbo-croate.
Très belle découverte.
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" il est des pays où les autobus ont la vie plus longue que les frontières".
Voici un très beau récit émouvant, court, digne d'un conte des mille et une nuits où le héros" Vesko le Teigneux" va devoir franchir maints obstacles et son pays dévasté pour amener son père, Nikola, à Belgrade avec le miel qui servira de viatique et de laisser passer.
Une histoire touchante et mouvementée où deux fils, citadins ont fui leur pays, la Yougoslavie ou plutôt ce qu'elle est devenue après la guerre serbo- croate: les combats ont fait rage et le village de leur enfance est détruit.
La famille se disloque suite à l'indépendance de la Croatie : Nikola, apiculteur est resté seul dans la montagne auprès de ses ruches,sur la terre de ses ancêtres,une enclave Serbe,et ses deux fils, Vesko , rejoint en catastrophe par Duslan , l'autre fils avec femme et enfants pour échapper aux représailles, à Belgrade.
Tout le monde pense au père resté dans son ermitage, là -haut, quand les
habitants ont fui devant les attaques.
Vesko va donc traverser son pays dévasté comme s'il visitait sa mémoire:
"C'était son enfance qui s'en allait pour de bon.
Ces lieux, ces parfums, ces jeux, auxquels il n'avait plus repensé depuis l'adolescence, il les ressentait à présent, dans ses entrailles, comme une perte insurmontable".
Il retrouve son père sur le Mont Vélébit dans sa baraque, à côté de ses ruches, dans la basse montagne, Nikola le Vieux qui donne l'exemple, droit, sage, simple,plein d'humour, mais déterminé:"Des outils et des vêtements étaient accrochés aux murs. Une paroi d'étagère abritait des pots de toutes tailles, une petite bibliothèque agricole, trois ou quatre recueils de poésie...tout était propre, respirait une vie égale et calme comme un fond de mer sous la tempête..."
Un ouvrage où les vertus nourrissantes et apaisantes des bidons du miel de Nikola serviront constamment de monnaie d'échange au voyage tourmenté, rocambolesque, où Nikola prend de la hauteur sous les yeux de son fils impulsif et colérique,où il dépasse ce qui divise les hommes, ne retient que la substance essentielle de l'homme, l'humanité, le détachement,la douceur, la droiture, la tolérance, le bon sens, la sagesse face à la colère,à la fureur, aux combats,à la haine et à la dislocation....
Un livre très bien écrit qui montre que " chacun de nos gestes compte", où l'on éprouve des sentiments de mélancolie, d'abandon et de fantaisie mêlés: " Nous faisons plus de bien par ce que nous sommes que par ce que nous faisons".







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Il est des pays où les autobus ont la vie plus longue que les frontières.
Le regard d'un trahi de l'histoire passe, léger, déchirant les pages d'un roman européen écrit avec le sang des siens. Trahi par son espérance, tourmenté par les aigles d'Occident, vaincu par l'utopie rouge sang, le Serbe goute le souvenir du miel du Mont Vélébit, Lethé sucré, voix de la paix et de la vie.

Ouvrez ce poème, écoutez, les yeux fermés, l'épopée du miel. Un morceau de littérature européenne nous capture et nous entraîne sur les routes. Vesko traverse son pays comme visitant sa mémoire. Une étrange douceur, un curieux détachement, une profonde mélancolie. Se souvenir pour oublier, pour vivre enfin.

Suite sur le blog
Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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De la littérature aussi pure que le miel qui est conté !
Un cadeau d'un ami d'enfance, première lecture de l'année et surprise ; très belle surprise.
Un roman court et à la fois intense. Des personnages très téméraires, des décors franchement inquiétants (c'est la guerre) et une histoire qui se lit facilement, qui sait s'apprécier. Au fil des pages, on sent la douleur de l'auteur qui a vu son pays voler en éclats. le regard des autres, des haines raciales, ce que l'humain sait faire de plus mauvais.

Finalement, avec le miel, Slobodan Despot m'a reconduit dans le salon de mon ami d'enfance, Nenad. Je voyais ses parents regarder la télé avec inquiétude, voyant défiler ce qui se passait dans leur pays. Une famille merveilleuse, polie, plus respectueuse que la moyenne, à l'écoute, et pourtant si saccagée par la guerre.
Merci à eux (l'auteur et mon ami) pour ce précieux roman
Lien : http://www.bmds.ch/index.php..
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Belle réussite pour un premier roman. Il m'a donné envie d'apprendre bien plus sur la guerre en ex-Yougoslavie que beaucoup ont suivi, horrifiés, devant leurs écrans sans en comprendre les raisons. L'après-guerre est omniprésente mais avec le "Vieux", le père apiculteur de Vesko le Teigneux, Slobodan Despot a crée un personnage inoubliable tout de sagesse, de simplicité, de droiture .... d'humour aussi. Franchement, je pourrais presque mettre 5 étoiles!!!
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Une herboriste raconte une histoire à un patient. Cette histoire lui a été narrée lors d'une rencontre un peu spéciale : un rustre croisé dans une situation stressante lui apporte une cargaison de miel pour la remercier de son aide. Et c'est l'histoire de la Yougoslavie devenue plusieurs pays différents, morcelée entre les communautés. C'est aussi l'histoire d'un fils en quête d'un père qu'il ne comprend pas. Avec de-ci de-là des réflexions sur les choix de vie.
C'est un livre court et riche qui m'a emportée, appris, fait frémir et sourire.
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Pour sauver un homme de la colère de son fils, une femme donne donne tout l'argent qu'elle avait. C'est avec cette scène que débute le Miel . le personnage principal n'est pas le miel, mais la Yougoslavie.

Ce miel est une métaphore de l'amour. Il est un lien naturel entre deux êtres. Il est aussi au coeur de l'existence de deux êtres. Nikola K., instituteur à la retraite, qui s'occupe de ses ruches dans les montagnes de la Krajina de Knin, autrefois enclave serbe en Croatie, et Vera, l'herboriste qui a besoin de beaucoup de ce nectar pour élaborer ses potions miraculeuses. C'est elle qui raconte au narrateur l'histoire de Nikola et de ses fils, Vesko le Teigneux et Dusan, le soldat d'une guerre perdue d'avance, l'histoire de cette Yougoslavie morcelée. Cette femme énigmatique qui se consume à la cigarette représente un savoir ancestral, la connaissance et le respect de la nature, une morale aussi, rude et désenchantée.

«Chacun de nos gestes compte» est sa devise.

Ce roman est une méditation sur la valeur de la vie humaine, le sens de l'histoire et le devenir des peuples.
Lien : http://menusplaisirsdelectur..
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