Vincent avait demandé que le corps ne soit transféré qu'après son arrivée. Il ressentait toujours le besoin de visualiser une victime là où elle avait été trouvée. Cela lui permettait de personnaliser ses enquêtes. D'ici quelques jours, on ne parlerait plus que d'indices, de rapports. Ce corps ne serait plus qu'un numéro. Vincent ne voulait pas perdre de vue que cette victime était avant tout un homme ou une femme. Une personne qui avait eu une vie avant de se retrouver dans une housse mortuaire.
Une fois assise à son bureau, Max tenta de se calmer mais elle n'arrivait pas à décolérer. Elle avait toujours su que le côté joli coeur de Thomas finirait par leur jouer des tours. Si Laetitia Monteau avait été un laideron, rien de tout cela ne serait arrivé. Max avait parfois l'impression de gérer une bande d'ados. Elle détestait cette partie du boulot. Entre les guéguerres internes, les enfantillages de certains et les humeurs des autres, elle avait souvent la sensation d'être prise pour un arbitre ou une maîtresse d'école, et non pour le commissaire de brigade criminelle qu'elle était.
Elle profita du temps de livraison pour respecter sa promesse et fila à la salle de bains. Elle fit un rapide constat des dégâts et ne put s'empêcher de se demander comment faisaient les autres femmes pour rester impeccables quels que soient l'heure ou le jour de la semaine. Soit elles ne travaillaient pas, soit elles avaient une soeur jumelle pour donner le change. C'était la seule solution logique qui lui venait à l'esprit
Non, mais sérieusement, ce n'est pas la fête des mères dont on parle, et encore, tu connais mon point de vue sur la question! Tu as vu une journée de l'homme, toi? Non. Les journées, c'est pour les maladies orphelines, les handicaps, les conneries du genre l'amitié, les câlins...Y en a même une dédiée aux stylos à plume! Donc ça m'énerve déjà suffisamment que les droits des femmes soient cantonnés à une seule pauvre journée pour qu'on ne me rabaisse pas ça à une journée qui te permet d'obtenir vingt pour cent sur de la lingerie!
Un silence s’installa entre eux. Pas de ces silences qui vous mettent mal à l’aise mais de ceux qu’on voudrait préserver le plus longtemps possible. Un silence de miel.
- Pour vous, le bonheur est une histoire de volonté ? demanda Max en défiant Suzanne du regard.
- Absolument. Quels que soient les malheurs qui vous arrivent dans la vie, c'est à vous de décider s'ils seront désormais une force ou une injustice qui vous empêchera d'avancer.
L'homme est composé d'une telle palette de sentiments qu'il est parfois compliqué de n'en voir qu'une seule facette.
Comment vous sentez-vous Max ?
- J'ai peur !
- Détendez-vous, vous ne risquez rien. Quel âge avez-vous, Max ?
- J'ai 8 ans.
- Que faites-vous ?
- je n'ai pas le droit de le dire.
- Et où êtes vous en ce moment ?
- Je ne sais pas. je suis à l'étroit...Il fait noir...Je ne veux pas respirer...
- Pourquoi ne voulez-vous pas respirer ?
- Je ne sais pas. Mais ça me fait mal. J'ai peur. J'ai envie de crier mais je ne peux pas...
- Pourquoi vous ne pouvez pas ?
- Parce qu'il m'entendra.
- Qui vous entendra ?
- Lui...
- Qui appelez-vous "lui" ?
- Celui qui vient de faire du mal à ma maman.
- Comment savez-vous qu'il lui a fait du mal ?
- Parce qu'elle m'a dit de me cacher...ensuite elle a crié très fort...
- Avez-vous vu celui qui lui a fait du mal ?
- ..."
A chaque fois qu'elle se retrouvait face à ce genre d'homme,sa confiance dans la nature humaine diminuait un peu plus.
Lorsqu'elle vit débarquer son chef dans les couloirs,elle sut immédiatement que ce n'était pas bon signe.Il ne loupait son golf qu'en cas de problème majeur et à voir sa tête,on était en plein dedans.