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Critique de Slava


Slava
20 décembre 2018
L'été dernier, j'avais découvert le fabuleux L'Enfant de Poussière de Patrick K. Dewdney, qui avait fait une entrée des plus fracassantes dans le monde de la fantasy, se distinguant de plusieurs prix élogieux et de critiques bien positives. Moi-même j'ai été plus que conquise par le début dans la vie de Syffe, l'orpheline de la cité de Corne-Brume qui doit se tailler une place dans un monde devenant chaotique et incertain, la richesse et la complexité de son univers et la plume si poétique et rude en même temps. Alors quand le second tome de cette pépite littéraire est sorti, je n'ai pas attendu longtemps pour me le procurer et retrouver notre protagoniste.
Cinq ans se sont écoulés depuis la prise d'Aigue-Passe et le massacre des mercenaires, d'où Syffe a pu réchapper mais pour tomber dans l'esclavage. En effet, quand le récit commence, il travaille dans les mines d'Iphos dans l'empire carmide, dans des conditions bien exécrables où lui-même ne s'étend pas longtemps en description. Par "chance" une peste dévaste le campement, dont il s'en sort et en profite pour s'évader. Un seul but l'a gardé en vie durant ces années d'horreur et servira de motivation à son errance : Brindille, son amour d'enfance, qui est quelque part en vie et l'attend. Alors il part en route. Lorsqu'il dépasse les frontières et dépasse les montagnes enneigés, il découvre que le monde pendant ce temps a bien changé. Et pas pour le meilleur des choses. La guerre ravage sur son passage : les primautés s'entre-tuent et pour substituer ils vendent les "teintés". Pas une seule contrée n'échappe au conflit, même le pays des Vars si libertaire et si égalitaire semble partir à l'eau. Dans son long périple; Syffe fera la rencontre de plusieurs peuples, dont certains évoqués dans le premier tome et qui apparaissent à présent : les Arces guerriers se cachant dans les collines et les Feuillus mystiques se dissimulant dans d'amples forêts, et qui vont lui apporter bien des surprises...
On peut dire que la suite emporte toujours le lecteur dans son voyage, et confirme surtout qu'il aura droit à un cycle titanesque appelé à être de plus en plus épique et légendaire au fur et à mesure qu'il progresse. C'est le sentiment que j'ai eu en le lisant.
Le monde s'ouvre toujours à nos yeux, s'enrichissant de nouvelles régions. de la chaleur suffocante des mines au froid permanent des montagnes, en passant par les forêts humides et les plaines dévastées, c'est un panorama de paysages qui se déploie. de même, de nouveaux peuples avec leurs coutumes apportent davantage de précisions. Les légendes les entourant nous éclaircissent aussi sur la trajectoire de notre héros et répondent peu à peu à quelques questions qu'on se posait, avec leur lot de rebondissement inattendue.
Comme dans le premier, les personnages sont toujours aussi bien construits, avec leurs personnalités jamais entièrement blanche ou noire. Syffe évolue dans son avancée, ayant mûri aussi bien du corps que l'esprit. Marqué par les sévices des mines, il endure bien des traumatises au cours de son aventure, entre visions cauchemardesques des fantômes de ses proches, déconvenues cinglantes, coups douloureux et qui vont le fortifier, espérant toujours retrouver Brindille. Pragmatique, son incroyance dû à l'éducation des Vars va néanmoins le servir pour appréhender les croyances des autres. de même, compte tenu de son enfance, la débrouillardise et la prudence lui seront toujours plus utile dans sa quête. Breanna la princesse est une figure impressionnante faisant penser aux héroïnes celtiques, forte et assurée, mais ayant une tristesse infinie, celle d'être condamnée à être un objet d'échange pour une alliance. le Roi des Ormes est un personnage mystérieux, intriguant, troublant, qui nous remet en question dès qu'on le voit...
Dewdney creuse et développe la terre faisant centre du cycle, en le chargeant d'une lourde noirceur plus qu'il n'y en avait dans le premier. La survie, déjà difficile auparavant, devient exiguë, où le moindre faux pas peut vous entraîner dans la tombe. Plus rien n'est sûr, on n'est en sécurité nulle part, des lieux jadis garant de paix s'effondrent d'une facilité déconcertante. Ainsi, apprendre sur la déchéance probable du pays des Vars m'a bien secoué, bien qu'on n'a pas encore posé le pied dans ce territoire, on y ressent une grande amertume à la pensée de cette zone utopique si chèrement vantée par Uldrick et rêvée par Syffe. La guerre et ses cruelles conséquences sont abordés et avec un réalisme brute. Les nobles qui se bataillent sans penser aux civils qui souffrent des pillages et viols et les mercenaires ne se préoccupent de la moralité pour gagner leur pain. Les femmes en sont des victimes, quand elles ne sont pas promises à un mariage pour un rang juteux, elles sont des prostituées dont la sueur de leur corps constitue leur seule salaire. La condition féminine fait son entrée avec Breanna, la fille du roi des Arces, déjà lancé par Brindille, l'amie d'enfance emportée dans la tourmente et brisée par l'existence. Quant à la religion, autre thème important de l'ouvrage, elle est ambiguë, tantôt seul secours valable permettant de se raccrocher à la vie, tantôt servant de manipulation et d'opium à un peuple. Pourtant, l'espoir semble être la seule solution pour tenir dans cet enfer vivant. Gardez espoir quand même tout est difficile, noir, infernal autour de vous. On voit qu'après un hommage à l'Assassin Royal, l'auteur s'inspire à présent de la Compagnie Noire avec sa bande de mercenaires et l'impression que tout s'écroule autour de soi.
Quant à l'écriture, rien à redire. Toujours d'une beauté singulière, cherchant à saisir dans le vrai et nous captiver, à transfigurer les choses.
La fin est assez déroutante. Tout comme celle du premier tome, elle casse nos attentes d'une manière bien violente et elle amène à un nouvel horizon dont on est curieux de voir la tournure qui sera prise.
Peut-être que les seuls défauts sont la lenteur. En effet, il y a beaucoup de parties qui se déroulent bien lentement comme la traversée de Syffe dans la montagne qui m'a presque ennuyeux.
Toujours un bon plaisir de revoir Syffe et surtout, de patienter à un troisième tome pour poursuivre ses mésaventures. Son cycle promet d'être toujours plus palpitant au fur et à mesure qu'il s'allonge.
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