Je fermai les yeux. Dormir pour toujours, stand-by, billet d'aller simple pour le lieu où se trouve l'âme pourrie de Stefano Mega, quel qu'il soit. Dormir pendant que les canards continuent d'avancer en essayant de me faire croire que c'est facile.
Personne ne comprenait que les mots s'opposent à la vie : ils naissent dans votre tête, vous les couvez dans votre gorge puis répandez en un instant votre voix dessus et les tuez définitivement. La langue est un crématoire inconscient qui entend partager mais qui détruit, tels les doigts-lames d'Edward aux mains d'argent qui, s'il vous caresse, vous coupe le visage.
C'est moi, la fille au grand nez et aux longs cheveux noirs, au teint très pâle ; non, plus à droite, je dis la fille à la frange et aux yeux verts, vous me voyez, oui ou non ? La fille qui regarde à l'intérieur de la poubelle, oui, celle-ci. Je vous en donnerai, de l'histoire de ma vie ! Ma vie n'a pas d'histoire, elle a des déboires, ça oui, mais pas d'histoire. Ma vie a, à la place des histoires, de profonds cratères remplis de sable, comme ceux de la lune, ces cratères qu'on confond, enfant, avec des yeux, un nez, une bouche.