AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de irisrivaldi


Titre original : Settanta acrilico trenta lana

Le coeur en hiver

La trame : Camelia, 21 ans, vit avec sa mère Livia, à Leeds en Angleterre. L'histoire se passe après la mort du père, Stefano, dans des circonstances que les deux femmes auraient préféré ne jamais connaître. Et, en effet depuis que ce mari infidèle a fini au fond d'un ravin avec sa maîtresse, tout va de mal en pis. Accablée par la douleur, guidée par une farouche volonté d'autodestruction, la mère de Camelia, autrefois musicienne de talent, laisse son mal la ronger au point de s'exclure totalement du monde. Pour elle, l'univers se limite dorénavant aux murs de sa maison de Christopher Road, qui d'ailleurs ne sera pas son unique prison. Livia s'enferme ainsi dans la dépression, se néglige totalement, n'ayant plus l'énergie de se laver seule et n'éprouve pas même le besoin de changer de vêtements. Tout porte à croire qu'elle cherche, du fond de sa tanière, à renouer avec une sorte de bestialité, un instinct primal, et, de fait, cette déréliction contamine aussi sa façon de s'alimenter quand elle gloutonne façon Cro-Magnon la nourriture que lui prépare sa fille.
Donc, par bien des aspects, la mère a nié sa part d'humanité. Comme une manière – somme toute insolite – de porter le deuil, celle-ci met ses cordes vocales en congé et plus aucune parole ne franchit ses lèvres. Même si les mots restent au fond de sa gorge, un langage de substitution va naître entre sa fille et elle : tout passe désormais par le regard.

Par ailleurs, Livia succombe soudain à l'étrange lubie de photographier tous les trous qui se présentent devant ses yeux, sur les parois de son habitation, les accrocs des vêtements, les ronds de serviettes… Marotte qui la fait sombrer encore davantage dans un insondable abîme de souffrances.
Parce qu'il faut bien penser à subvenir à leurs besoins, de son côté, Camelia traduit des notices pour lave-linges. Dans le même temps, elle récupère aux ordures des vêtements étrangement neufs, qu'armée de ciseaux, elle se plaît à marier aux siens dans de brusques sursauts créatifs.

Tandis que la mère se complaît dans sa condition d'animal blessé, confinée dans une caverne mentale, la fille a en revanche besoin du monde extérieur pour faire face tant au mutisme de sa génitrice qu'à sa propre colère et à un profond sentiment de solitude. Même si Camelia erre dans une ville où elle se sent étrangère, sa fréquentation d'autrui lui démontre que les jours passent et que bientôt le printemps va revenir, au propre comme au figuré. Ainsi elle rencontre Wen, un jeune Chinois qui travaille dans une boutique de fringues. Celui-ci va lui enseigner sa langue et l'héroïne prendra donc la mesure du potentiel expressif et de toute la perfection qu'offrent les idéogrammes. Alors que la situation semble s'améliorer, le jeune homme la repousse sans raison. Quels secrets inavouables peut-il bien cacher ? Quel rôle va jouer Jimmy, l'étrange frère cadet de Wen, dans la suite des événements ? À l'image de cette neige qui perdure dans une nature hostile, l'espoir se figera-t-il à jamais dans un hiver infini ?

Mon ressenti :

Sur la forme, tout comme le pinceau du calligraphe s'applique à dessiner les contours de l'alphabet chinois, ce livre réserve de multiples surprises ; par sa recherche lexicale d'une désarmante inventivité, on peut y lire une percutante allégorie sur le langage et l'incommunicabilité.
Je dois aussi reconnaître la profondeur de vue et toute la maturité de l'autrice qui a publié ce premier roman en Italie à tout juste 23 ans.

Lu en VO (italien)
Lien : http://scambiculturali.over-..
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}