AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


À une époque où on nous parle d'intelligence artificielle à chaque instant, on peut se poser une question : qu'est-ce que l'être humain a d'unique ? Qu'est-ce qu'un androïde ne pourra jamais imiter chez nous ?

Philip K. Dick nous pose la question dans ce monde futuriste, rongé par la pollution nucléaire ; les plus riches ont émigré vers Mars, où les attendent des androïdes conçus pour les servir. Ces derniers, cependant, deviennent de plus en plus conscients, et certains s'échappent vers la Terre, dans l'espoir de mener une vie libre. Mais sur Terre, où ne restent plus que les pauvres, les déclassés, et les personnes trop rongées par la radioactivité pour avoir le droit de se reproduire, les attendent les blade runners, qui n'ont qu'un seul objectif : traquer ces androïdes fuyards et les « réformer ».

L'auteur a choisi l'empathie comme marqueur de l'espèce humaine – où du moins de ceux restés sur Terre. Sur cette planète qui n'en finit plus de pourrir, le moindre être vivant est devenu inestimable. Les araignées sont précieuses ; les moutons, les cheveux ou les girafes sont un luxe hors de prix, bien qu'aucun citoyen ne puisse s'imaginer vivre sans. La simple évocation d'un steak ou d'un vêtement en cuir suscite des pics nerveux qu'aucun androïde, machine rationnelle et égoïste, n'est capable d'imiter – jusqu'à présent.

Philip K. Dick a le don pour imaginer des univers bizarres, auxquels on accroche pourtant immédiatement. Cette sensibilité extrême aux animaux, dans une planète devenue inhabitable, paraît immédiatement crédible. La frontière entre androïde et être humain paraît à la fois immense – et leur traque presque justifiée, quand ils osent « singer » notre art (mais ne font-ils vraiment que l'imiter?) – et extrêmement ténue : quand votre appartenance à une espèce ou une autre dépend de différence d'une milliseconde à l'évocation d'une veste en cuir, les hésitations sont nombreuses. Et l'auteur adore ça : à plusieurs passages du roman, on ne sait plus qui est androïde, humain, androïde se pensant humain, humains s'entre-accusant mutuellement d'être insensibles et donc androïdes, …

Paradoxalement, on observe aussi que si les survivants sur Terre ont une sensibilité extrême aux animaux « bien portants », l'empathie ne s'étend pas à tous… Les « spéciaux », personnes fortement atteintes par les radiations et souffrant de différents handicaps, ont perdu la plupart de leurs droits civiques et sont méprisés ouvertement par les « normaux ».

Sous ses airs de thriller futuriste dans lequel un super-flic traque des androïdes perfectionnés, le roman aborde de plein front la question de notre identité, de qui on inclut dans un Nous, et pourquoi. de quoi susciter la crainte d'être soi-même entouré d'androïdes. Ou de réaliser n'être qu'un androïde en fuite dans le monde des humains.
Commenter  J’apprécie          220



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}