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Critique de ktylauney


Comment ai-je pu traverser tant d'années en passant à côté d'un tel chef-d'oeuvre ! J'ai fini par me procurer ce pavé d'un peu plus de 1000 pages qui me faisait de l'oeil sur l'étal d'un bouquiniste.

L'intrigue de David Copperfield se déroule dans l'Angleterre Victorienne. David raconte les évènements de sa vie depuis sa naissance. Entouré de sa fidèle nourrice Peggotty et de sa tendre jeune mère, sa vie est douce jusqu'au remariage de celle-ci avec un individu glacial et ignoble.
J'ai le souvenir d'avoir lu enfant le passage où Mr Murdstone le maltraite à cause d'une leçon mal apprise. Je n'avais malheureusement pas la suite de l'histoire, donc suite à mon écoeurement et par le biais de mon imagination fertile, j'avais fait mourir cet horrible personnage afin de libérer ce pauvre petit martyr... Pour le coup j'ai été bien surprise en poursuivant ma lecture de le savoir encore bien vivant.
Le pauvre David ne sera pas au bout de ses peines. Envoyé à la pension Salem qui n'est ni plus ni moins qu'une maison de correction il y passera tout de même de bons moments avec ses camarades.
Retiré de la pension à la mort de sa mère, Murdstone l'envoie travailler à Londres comme manoeuvre dans un entrepôt pour nettoyer et étiqueter des bouteilles.
Là-bas, ne s'étant fait comme amis que les Micawber, une famille endettée jusqu'au cou, à leur départ de Londres David va prendre à son tour une grande décision : celle de s'enfuir. Sous-payé l'enfant sait d'instinct que si il reste son avenir ne sera que misère.
C'est dans cette situation désespérée que je l'ai trouvé le plus combattif. A 10 ans, partir de Londres à pied jusqu'à Douvres, en essayant de survivre par ses propres moyens, avec de la ténacité et un but final en tête : retrouver la tante qui, à sa naissance, avait quitté précipitamment leur maison, horrifiée de voir que le nouveau-né est un garçon et non une fille.
Retrouver cette tante, Betsey Trotwood, c'est un risque à prendre. Ne va t-elle pas le rejeter ? Surtout en le voyant arriver sur le pas de sa porte au terme de son voyage, loqueteux et aussi sale qu'un petit charbonnier.
Je n'en dirai pas plus de peur de trop en raconter.

La longueur du roman ne m'a pas fait peur. L'écriture de Dickens est fluide, agréable, agrémentée de belles descriptions des lieux et des personnages qui entourent David. Certains sont plus attachants que d'autres. J'ai une tendresse particulière pour Peggotty, sa nourrice n'est pas une nourrice banale, elle est pour lui comme une seconde mère et sacrifierait sa vie pour son Davy chéri.
L'autre personnage le plus attachant de l'histoire est Tommy Traddles, ancien camarade de classe à la pension Salem. Il y était le souffre-douleur. le malheureux n'a pas eu de chance. Son oncle le détestait et à sa mort l'a laissé sans héritage. David le croisera par hasard à Londres. Tommy y vit simplement, en économisant sou à sou pour devenir juriste. Sa force réside dans sa patience et son travail acharné. C'est un jeune homme gentil, méritant, droit et irréprochable.
Tout le contraire de l'ami le plus cher de David, James Steerforth, qui était son protecteur à la pension. Fils de riche, désinvolte, j'en foutiste, suffisant, entretenant des relations conflictuelles avec sa mère. J'ai détesté d'emblée ce personnage qui se jouait de l'amitié comme de l'amour et faisait semblant avec tout un chacun.
David se montre très naïf et toujours plus en prenant de l'âge. Jugeant mal les situations, se faisant manipuler sans s'en apercevoir, allant placer son formidable ami sur un piédestal, le portant aux nues, l'imaginant réaliser de grandes choses dans sa vie future alors que l'égocentrique jeune homme ne baignait que dans l'oisiveté et les plaisirs frivoles.
Tandis qu'il se montrera peu confiant en Traddles, ne le voyant pas grimper les échelons et réussir dans la vie. David se montrera un peu méprisant envers un ami sincère pour réaliser plus tard qu'il avait tort et avait le bon exemple devant les yeux que celui de Tommy, menant son petit bonhomme de chemin pour arriver patiemment à son but. Ses efforts ayant payé il se mettra enfin en ménage avec la jeune fille qui l'attendait. Et quelle jeune fille ! Non seulement jolie mais parfaite à tout point de vue.

Quant en amour David sera bien plus aveugle encore et aveuglé par les attraits d'une jolie jeune fille qu'il épousera. Jolie mais capricieuse, immature, trop gâtée, trop fragile, incapable de gérer un ménage. Situation qui contrarie David. Une fois de plus il s'apercevra trop tard de son erreur.
Il a épousé une femme-enfant incapable de l'appuyer et d'être sa confidente. Il doit alors se faire une raison et composer avec.

Comme dans chaque roman se côtoient les bons et les méchants.
Les bons sont nombreux heureusement. Peggotty et sa famille qui ont accueilli David les bras ouverts. Mr Barkis, le voiturier. La tante Betsey Trotwood au coeur d'or, un brin originale et cachant un secret. Mr Dick, simple d'esprit mais adorable. Mr Wickfield et sa fille Agnès. le docteur Strong, la famille Micawber et Traddles, l'ami du pensionnat.

Edward Murdstone se classe dans la deuxième catégorie, celle des méchants très méchants. Rigide, cruel et sadique, c'est un pervers du contrôle qui aura mené la mère de David à la tombe. Sa soeur, Jane, installée dès le mariage dans la maison Copperfield pour tout gérer et espionner, vit à travers son frère. Les deux sont immondes. J'ai une seule consolation, celle de voir qu'à un moment du récit, ils auront été malmenés et humiliés.
À égalité avec Murdstone, Uriah Heep (secrétaire de Mr Wickfield, avocat de la tante Trotwood). Détesté par David, il génère un sentiment de répulsion avec ses yeux rouges, son absence de sourcils, sa silhouette squelettique. Sous des dehors affables et une apparence dégoulinante d'humilité, cet individu est l'être le plus faux, le plus calculateur que la Terre puisse porter. Ce fourbe va faire beaucoup de mal autour de lui.
Steerforth, " l'ami " de pensionnat. David ne supporte pas qu'on puisse le critiquer tellement il est parfait.
Le personnage est puissant et intéressant. Il n'aime personne mais veut être aimé et admiré de tous pour pouvoir plus facilement manipuler les êtres faibles à sa guise. Et il y arrive par sa beauté extérieure, son charme, sa culture et son tempérament de meneur. Mais à l'intérieur de lui se cache une âme noire et tourmentée. Il est conscient du mal qu'il fait autour de lui. David en fera les frais.
Dans un autre genre, le valet stylé de Steerforth qui est prêt à tout pour exécuter les basses besognes de son maître.

Au cours de sa vie, David Copperfield apprendra beaucoup de ses erreurs passées, à reconnaître l'ami sincère de l'ami fourbe, à distinguer l'amour véritable du coup de foudre. Qu'on ne juge pas les gens sur des apparences trompeuses mais sur leurs actes, leur générosité de coeur.
Au cours des années s'alterneront les périodes sombres et celles de joies car le bonheur, lui, sera toujours attendu, recherché. Beaucoup de larmes seront versées. Des drames se noueront. David fera face à l'incrédulité et à la trahison. Steerforth sera celui par qui le scandale arrive. David s'en voudra d'avoir fait entrer le loup dans la bergerie.
Son manque de discernement jouera contre lui une fois de plus. Et ce n'est pas comme si personne n'avait tenté de l'en avertir. Agnès, une jeune femme qu'il considère comme sa soeur de coeur, l'avait mis en garde. David avait écouté puis ignoré l'avertissement.
J'ai déploré cette faiblesse chez David. Son entêtement et cet aveuglement à ne pas vouloir voir certaines choses qui pourtant crevaient les yeux.
Je l'ai trouvé ballot de s'enflammer pour cette petite dinde de Dora alors que depuis le début il avait sous les yeux la plus douce et la plus aimante des femmes, de surcroît celle dont il rêvait intérieurement.

Dickens traite plusieurs thèmes dans son roman. La pauvreté dans l'Angleterre victorienne et la difficulté de gravir l'échelle sociale. L'escroquerie dans tous les milieux, le détournement d'argent, la corruption.
Les différences entre classes sociales, des puissants abusant des faibles. L'amitié, l'amour, les déboires conjugaux, la trahison, la haine. Celui des femmes qui étaient séduites, abandonnées puis rejetées par leur entourage. Celui des handicapés mentaux (on voit comment Mr Dick a échappé à l'asile grâce à la bonté de coeur de Betsey Trotwood).
L'auteur brosse un portrait peu reluisant de la condition enfantine à cette époque, des maltraitances subies. de ces enfants dont on se débarrassait dans des pensionnats sordides dirigés par des individus cruels aux fins de mater les esprits rebelles.

Des longueurs entravent les quelque mille pages (surtout quand il est question de Mr Micawber et de ses ennuis pécuniaires), certaines chutes sont trop prévisibles mais il nous reste au final cette belle aventure humaine pleine de tendresse, de moments cocasses aussi, et surtout emplie d'espoir.
Le roman se lit bien, un chapitre en entraînant un autre, on arrive à la fin sans peine, juste celle d'avoir à quitter des personnages devenus familiers, pourtant fictifs mais paraissant tellement réels qu'on a l'impression qu'ils ont pris vie sous la plume de Charles Dickens.
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