Le danger monstrueux dont parlent les mythes est la stagnation involutive. Le monstre, symboliquement représenté comme menace extérieure, est à la vérité le péril essentiel qui réside dans la psyché : l’imagination exaltée à l’égard de soi : la vanité. Elle incite à se croire la réalisation parfaite du sens évolutif. La vanité est la déformation de l’esprit par excellence. Elle est le contraire de la lucidité : l’aveuglement à l’égard de ses fautes.
La vaniteuse justification de soi, source d’actions coupables, est le mal secret qui ronge la vie, le monstre mythique qui ravage le monde et qui détruit les âmes (qui dévore les hommes). L’homme qui ose attaque ce monstre est, mythiquement parlant, le héros. Il ne vaincra pas sans être investi des armes symboliquement prêtées par la « divinité » et qui, pour être efficaces, ne peuvent être que clairement spirituelles à l’égard des motifs (contraire du refoulement vaniteux) et sa résultante, la pureté de l’activité (contraire de l’action coupable). Ainsi compris, le combat héroïque, symboliquement concentré dans les mythes en une confrontation unique avec le monstre, est à la vérité une lutte dont les péripéties s’étendent sur toute la vie de l’homme, et même sur la vie de tous les hommes, sur la vie tout court. Le héros mythique — selon la signification la plus profonde de son combat contre le monstre — est le représentant de la poussée évolutive, la personnification de l’élan spiritualisant. L’esprit idéalisé, la « divinité », devient — sur le plan symbolique — son père mythique dont il est le « fils » et l’ « envoyé ».
Ainsi, les mythes — prescience psychologique — ne contiennent pas seulement une compréhension du fonctionnement évolutif et involutif de la psyché, mais encore l’avertissement d’une lutte contre l’involution que l’homme, pour son propre bien essentiel, doit mener, afin de trouver la satisfaction, sens de la vie.
La justice inhérente à la vie ne peut être, ni surconsciemment prévue, ni consciemment comprise, sans que naisse dans la psyché humaine un sentiment d’effroi sacré, inspiré par la profondeur mystérieuse de l’existence évolutive et de la légalité qui la gouverne. C’est le sentiment religieux. La vision mythique a exprimé l’effroi sacré. Elle en personnifie la justice inhérente et en développe la légalité morale à partir de l’image personnifiante : « Divinité ».
L’art, lorsqu’il s’attache à son vrai but qui est de peindre l’image véridique de la vie, n’est qu’une prolongation de la vérité mythique, une illustration diffuse de la vérité concentrée dans les symboles mythiques.
Du sens de la vie découle la tâche sensée. L’âme prélogique l’aurait représentée par une image énigmatique. Trop facilement mécomprise, cette image, transformée en imagination exaltée, incite à croire que le sens de la vie ne peut se trouver qu’en dehors de la vie. La tâche sensée devient ainsi un devoir insensé, un moralisme opposé à la nature, imaginé comme suspendu dans les nuages, et qui n’inspire que crainte ou raillerie. Sera-t-il possible qu’un jour vienne où, devenue consciente d’elle-même et de son image, comprenant la secrète logique de la vie, la psyché créera une psychologie de la vie, réconciliant la morale avec la nature ?
l'imagination affective, fonction prédominante de la psyché primitive, incita les hommes, à peine sorti de l'ère prémythique et animiste, à voir dans les phénomènes des forces intintionnelles
L'olympe est une grammaire qui règle les fonctions des dieux.