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Critique de LaBiblidOnee


C'est de rouge sang, mais surtout de rouge colère que se couvre ce polar politique DÉTONNANT, dont le titre joue avec les mots comme l'auteur avec nos nerfs. Si l'on en croit Wiki : « La cour des Miracles était, sous l'Ancien Régime, un ensemble d'espaces de non-droit composé de quartiers de Paris, ainsi nommés car les prétendues infirmités des mendiants qui en avaient fait leur lieu de résidence ordinaire y disparaissaient à la nuit tombée, « comme par miracle ». En réalité, une partie d'entre eux ne souffrait réellement d'aucun handicap. »


La cour des mirages est quant à elle, dans les années 2000, un ensemble d'espaces de non-droit composés de maisons bourgeoises au-dessus de tout soupçon et de places politiques occupées par des personnalités plus que véreuses, non, carrément toutes pourries, non, encore plus que ça mais je n'ai aucun mot pour l'exprimer (lisez par vous-même et essayez de faire mieux), ainsi nommée car les horreurs et les abominations des occupants qui en avait fait leur lieu de réunions extraordinaires semblaient disparaître au jour levé, « comme un mirage », un mirage aidé par les drogues le LSD en tête, un putain de mirage de gueule de bois, un cauchemar. En réalité, tout cela existait vraiment et les victimes souffraient de l'insondable perversité des Hommes - non, des monstres - qui peuplent cette planète et infiltrent nos vies quotidiennes, avec la suffisance de ceux qui possèdent la certitude de n'être jamais inquiétés. Elles en souffraient, donc. A en crever.


Bienvenue dans ce polar de dingues où la justice tente de côtoyer l'ignominie. Et si la justice est paralysée par la politique, alors elle sera rendue par une poignée de flics dévoués qui n'ont pas encore perdu leur humanité (mais leur tête peut-être, car jusqu'à quand pourront-ils encore tenir et à quel prix ?) avec l'espoir qu'ils ont souvent vomi dans ce récit et jeté aux toilettes en tirant plusieurs fois la chasse merci au revoir. Sous ses airs de polar, c'est une diatribe de la classe politique et de ses magouilles, une dénonciation aussi des réseaux indémentelables à force de manipulations, de menaces et de « neutralisation ». Un portrait de notre monde. Pourri.


Autant le dire franchement : Ce n'est pas le livre à lire si vous avez déjà envie de sauter par la fenêtre. Ce n'est pas non-plus à lire quand vous avez envie d'une comédie romantique… Et je ne vais rien révéler qui ne soit précisé sur la quatrième de couverture mais, au cas où vous auriez l'habitude de ne pas les lire pour garder la surprise, faites une exception pour cette fois car ce roman est réservé à un public AVERTI. Maintenant vous l'êtes : âmes sensibles aux malheurs qui arrivent aux enfants, s'abstenir ! le nounours de la couverture, qui se noie en tentant de passer entre les balles, représente bien cette enfance souillée, sacrifiée, détruite.


Si vous pouvez gérer ça, FONCEZ ! Lisez ce polar de fous hyper bien écrit et construit, rythmé, dont les personnages sont incroyables : deux flics notamment. Laurence, une dure à cuire ambitieuse, mère de famille et divorcée qui quitte la DCRI pour la Brigade Criminelle. Les chapitres où on la suit sont racontés avec le recul, comme une carapace qui se fendille, d'un narrateur omniscient qui nous met dans sa peau et dans ses mots. Et puis Prigent, héros d'un opus précédent (La sirène qui fume), hanté par la disparition de sa fille six ans plus tôt, qui se dévoue entièrement corps et âme à ses enquêtes… au sens littéral. Ses chapitres à lui sont racontés de l'intérieur, par lui-même, amas de graisse, de tristesse et de sensations si bien rendues, trop plein de soupe et d'émotions, un vrai gentil anéanti par le genre d'humains qu'il côtoie au quotidien, et par les cachets qu'il absorbe pour y faire face. Prigent et toutes les voix dans sa tête…


Attachants malgré leurs portraits d'écorchés incontrôlables, ces deux-là ne se retrouvent pas à bosser sur la même enquête par hasard. Cette enquête, c'est la mort d'une famille qui semble s'être suicidée… jusqu'à ce qu'on trouve un laissez-passer politique dans leur maison, en 2012, juste après l'élection de la gauche au pouvoir et pendant ce jeu de chaises musicales qui en découle, consistant à placer les copains dans tous les corps de métier possibles. A partir de là, entre ceux qui veulent faire la lumière, et ceux qui veulent continuer à perpétrer les ténèbres dans leur ombre confortable, ce sera la guerre. Ni l'horreur, ni les cadavres ne nous seront épargnés. Mais si l'on voit bien à quel point la politique régit nos vies, et si tous les corps de police et leur hiérarchie en sont infiltrés de manière révoltante, l'espoir vient des plus courageux et dévoués, ceux qui font ce métier par conviction et non par intérêt. Et parce que ce roman nous révolte tout entier, on est même prêt à passer sur les méthodes finalement employées qui, loin d'être un modèle (le dernier Norek est un bisounours à côté^^), sont celles du désespoir - à moins que, pour les victimes, ce ne soit celles de l'espoir, justement.


Un roman ADDICTIF, explosif. J'ai dévoré ses 850 pages en 5 soirées ne doutant pas une seule seconde que, s'il s'agit d'une fiction et qu'on ne veut pas y croire, des choses similaires existent bel et bien. Etonnamment, ce n'est pourtant pas une lecture plombante. Parce que l'action nous maintient en mouvement, et que le style immersif de l'auteur, dont les phrases déconstruites accompagnent les personnalités défaites, rendrait un macchabée vivant. J'en tremble encore, mais je recommande, sans hésiter !
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