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Critique de ComptoirDesConnaissances


Menel Ara est le premier tome d'une duologie, qui est publié en entier à la maison d'édition Inceptio. La première fois que j'ai vu ce livre, j'ai tout de suite été attirée par sa couverture. Elle possède beaucoup de détails qui m'ont immédiatement plu, et je m'attendais à lire un roman steampunk à cause des engrenages et de la couleur cuivrée utilisée. Cependant, en lisant la quatrième de couverture, je me suis bien rendue compte que ce livre n'avait de steampunk que la couverture. le résumé met en évidence un monde dystopique comme il en existe beaucoup, où la séparation entre riches et pauvres est plus qu'essentielle. le gouvernement est devenu une oligarchie. Ce type de dystopie est souvent utilisé dans les romans, et est par conséquent peu original. Mais, comme dans tous romans de science-fiction, ce que j'aime dedans est le message délivré. Écrire une dystopie n'est pas innocent : l'auteur doit inventer un monde possible qui serait né des conséquences des actes humains. Il est délicat de mettre un lecteur devant les faits accomplis en lui montrant comment sa nature pourrait engendrer une société mauvaise. Ainsi, la dystopie sert à pointer du doigt les problèmes de la société contemporaine et de montrer comment celle-ci évoluera si personne ne fait rien. En commençant ce roman, je m'attendais donc à lire un récit sérieux, qui reprend les dangers des attentats et des terroristes.

Tout d'abord, j'ai été très surprise par la complexité de l'intrigue. Alors que je m'attendais à suivre uniquement les aventures de Gaël Dubuisson, à peine introduit dans la quatrième de couverture, nous suivons les agissements d'un très grand nombre de personnages, tous impliqués de près ou de loin dans les activités politiques de la ville de Menel Ara. Ainsi, nous lisons de nombreuses intrigues plus ou moins importantes, chacune ayant un protagoniste différent. Dans une grande majorité des romans dystopiques, deux ou trois camps nous sont présentés : ceux qui oeuvrent pour la justice et/ou la liberté, ceux qui souhaitent garder leur pouvoir, et enfin ceux qui ne savent où se positionner et qui créent un troisième camp plutôt neutre. Dans Menel Ara, nous avons bien plus de trois camps. Presque chaque personnage représente un camp différent, à cause de ses motivations et de ses objectifs variant de ceux des autres.

Je lis peu de romans traitant de politique car j'ai toujours peur de me sentir délaissée par une intrigue dont je ne me sens nullement concernée. Dans notre cas, le récit dédie une place très importante à la politique mais contrairement à ce que je craignais, j'ai très bien accroché et cette complexité. Toutes les intrigues sont extrêmement bien pensées et c'était agréable du début à la fin de lire comment chaque action minime peut engendrer de lourdes conséquences. Dans sa globalité, la construction du récit est intelligente car le début reste assez simple pour que nous puissions comprendre l'importance de certains personnages, puis d'autres nous sont présentés lorsque nous devenons à l'aise avec les anciens. Ainsi, les intrigues se multiplient au fur et à mesure, sans que le lecteur ne soit perdu.

Le début de l'intrigue s'ouvre sur l'enterrement du père de Gaël et la lecture de son testament. C'est la première fois dans le roman que nous sommes témoins de la puissance de la Haute-Ville sur la Basse. En effet, Victor, le frère de Gaël a réussi à se hisser par mariage dans les plus grandes familles et fait valoir ses droits pour se saisir de l'entièreté de l'héritage de son père. C'est ce premier conflit qui fera sortir Gaël de son train de vie quotidien qui cherchera dès lors à se venger sur la Haute-Ville. À partir de ce moment-là s'enchaînent de nombreuses péripéties qui mettent en valeur la différence sociale entre la Haute et la Basse-Ville.

À cause des pertes qu'a subi Gaël, celui-ci devient de plus en plus instable psychologiquement. Dans le roman, il récupère son état normal très lentement, et heureusement que l'auteur nous relate les péripéties des autres personnages car Gaël ne devient intéressant qu'à la fin du récit. La plus grande partie du roman ne sert qu'à préparer la suite. Vincent Dionisio nous donne quelquefois des indices sur les plans de ses personnages grâce auxquels nous pouvons nous amuser à imaginer ce qu'il peut se dérouler par la suite. C'est très bien fait de sa part car j'ai en quelque sorte pu participer à ma propre lecture.

Comme indiqué dans la quatrième de couverture, l'année durant laquelle se déroule l'intrigue est 2078. C'est donc assez lointain par rapport à notre époque aujourd'hui et c'est la raison pour laquelle j'ai d'abord pensé que la technologie prendrait une place beaucoup plus importante dans le roman. Or, la technologie semble être sensiblement la même que la nôtre, ce qui est peu crédible étant donné les grandes avancées que nous vivons aujourd'hui. Dans cinquante ans, je ne peux pas penser que le monde n'a pas changé. Il peut néanmoins y avoir une excuse : la ville est isolée du reste du monde. Mais malgré tout je ne pense pas que cette date ait été un bon choix. Une année beaucoup plus proche de nous aurait eu un plus grand impact.

Quant au lieu dans lequel l'intrigue se déroule, il s'agit de tout évidence de Menel Ara. Nous ne savons pas vraiment où la ville se situe puisque nous n'avons aucune information sur la vie à l'extérieur de la ville, mais j'aime penser qu'elle est en France. J'ai pris l'habitude avec la maison d'édition Inceptio de lire des romans se déroulant en France alors ça m'a semblé tout naturel d'en faire de même ici. Néanmoins, plusieurs pays d'origine sont suggérés, notamment à travers les noms qui peuvent sembler très français (Gaël Dubuisson), italien (Luigi), asiatique (Han Jin), américain (Douglas Phillips) ou encore russe (Youri Komniev).

La première chose contre laquelle je dois vous mettre en garde est cette fois-ci la complexité des relations entre les personnages. Il faut s'accrocher car un même personnage peut avoir plusieurs identités. Néanmoins, ce n'est pas une mauvaise chose car le fait de changer les identités des personnages rend les intrigues encore plus intéressantes et machiavéliques. Comme je l'ai déjà dit précédemment, de nombreux groupes de personnages sont présents dans ce roman, donc je ne peux pas dire qu'il y ait de protagonistes ou d'antagonistes dans la mesure où chaque personnage est le protagoniste d'un groupe et l'antagoniste d'un autre groupe. Mais dans sa globalité, le roman met en scène quatre grands groupes de personnages : ceux qui habitent dans la Haute-Ville et qui font partie des Sept Familles régnantes, ceux de la Basse-Ville et qui vivent avec leurs propres moyens, ceux qui se sont alignés avec l'idéologie des Martyrs et enfin ceux qui appartiennent aux Putras.

Parmi ces quatre groupes, les plus pacifiques sont les Putras. Ils constituent malgré tout un grand secret pour tous les habitants de Menel Ara, ainsi que pour le lecteur. Même si nous avons quelques indices et informations supplémentaires, ils restent en quelque sorte le point sombre des plans de tous les grands de Menel Ara. Suryena est le seul personnage appartenant à ce groupe. Presqu'aucune information n'est donnée à son sujet, à part que c'est lui qui contrôle réellement la ville.

Les Martyrs représentent le deuxième groupe de fanatiques de la Basse-Ville. Ce sont eux qui organisent la plupart des attentats et nous connaissons autant d'éléments, voire plus, sur eux que sur les habitants de la Haute-Ville. Trois personnages importants sont présents dans ce groupe, il s'agit de F, Sacha et Tanya. Ces trois personnages représentent à eux-seuls les différents avis politiques existants dans toute la ville, avec le désir de détruire la Haute-Ville pour Tanya, le désir de renverser la ville pacifiquement pour Sacha, et l'entre-deux représenté par F.

Le groupe de personnages que je trouve personnellement le plus intéressant car ce sont ceux qui ont le plus à se reprocher sans pour autant avoir le pouvoir de tout changer individuellement est constitué des Sept Familles. La Haute-Ville est composée des Sept Familles, de ce qu'ils appellent les pièces rapportées (et qui sont en réalité les nouveaux arrivants dans les familles, souvent par mariage) et leurs serviteurs. Les personnages auxquels nous avons accès personnellement sont Victor et Komniev. le premier est le frère de Gaël, le premier protagoniste du roman, et le second est le chef des Familles. Un duel se déroule entre eux deux durant tout le roman, et je le trouve particulièrement intéressant puisqu'il est très bien réfléchi.

Enfin, le quatrième groupe est celui des personnages habitants la Basse-Ville et vivant selon leurs propres moyens. Ce sont eux qui ressemblent le plus au profil du lecteur potentiel. Nous commençons le récit en Gaël, puis nous rencontrons Maria et David. La plupart des chapitres les mettant en scène nous servent à avoir un point de vue extérieur sur tous les complots et intrigues politiques de la Haute-Ville. C'est également des chapitres avec plus d'humanité que dans les autres.

J'ai trouvé que l'écriture rendait vraiment service à l'intrigue. Cette dernière est complexe mais le style de l'auteur aide parfaitement le lecteur à saisir toutes les informations nécessaires à la compréhension. Il n'y a pas trop de descriptions, pas trop de dialogues, toujours pile ce qu'il faut. Même dans les moments où nous suivons Gaël qui est complètement perdu et alcoolisé, nous ressentons les émotions qu'il faut, nous ne nous ennuyons pas car nous comprenons chaque pensée qui nous est permise d'avoir. Contrairement à bon nombre de romans où je me dis que l'écriture n'a rien d'extraordinaire et qu'elle fait juste son travail d'écriture, ici nous avons droit à des mots au service de l'intrigue, et c'est bien plus important. Je me suis vraiment faite portée par eux et c'est ce qui m'a permis de lire aussi rapidement ce roman.

Le livre est découpé en chapitres plutôt courts, souvent de dix pages, mais étant donné que nous changeons souvent de personnage principal (pouvant aller jusqu'à cinq ou six !), nous avons besoin de ces temps de respiration. Aussi, comme je l'ai dit au tout début, une dystopie doit délivrer un message. Et même si je n'ai lu que le premier tome, je trouve déjà que le combat entre la violence et la diplomatie devrait être d'actualité. Aujourd'hui, la diplomatie ne peut plus être utilisée lors des conflits, seuls les attentats terroristes ont un impact sur le monde. Et Menel Ara tente de mettre le doigt sur une autre solution, qui impliquerait un mélange des deux. Toutes les nuances apportées par le roman sont vraiment appréciables.

Points positifs :
– intrigue très travaillée
– complexité politique très appréciable
– univers prenant et bien décrit

Points négatifs :
– absence de réelle fin

Lien : https://comptoir-des-connais..
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