Avis sur Menel Ara à 00:14
De rage, elle envoya un coup de poing dans le mur. Le mur gagna, comme souvent.
S'il avait été humainement possible d'enflammer ses yeux, Pritchard l'aurait fait. Il aurait même volontiers ajouté de l'essence dessus, tant son regard transperça celui de Sam.
Mais ce qui était vraiment terrifiant chez lui, au-delà du pouvoir dont il jouissait et de la violence dont il était coutumier, c'était ses yeux. Des yeux noirs, profonds, comme maquillés. Des yeux capables d'arrêter un cœur. Des yeux qui auraient pu être les méchants d'une série de films d'horreur. Des yeux à faire miauler un ours polaire. Des yeux qui auraient intimidé celui de Sauron.

Alors si tu arrives à être heureuse en exerçant ton métier, si tu parviens à regarder ta nouvelle montre et à ne pas penser au sang versé pour pouvoir te l’offrir, tu es un monstre. Lorsque tu choisis d’exploiter le filon d’Imouraren dans de telles conditions, c’est comme si tu tenais le couteau entre tes propres mains. Comprenons-nous bien : il y a une très importante frange de la population qui serait plus que fatiguée d’entendre un discours comme celui-là. Je sais que ce n’est pas très tendance de dire que des gens meurent de faim en Afrique. Mais merde, tout le monde le sait et personne ne fait rien ! Est-ce que c’est normal ? On sait tous parfaitement ce qu’il se passe, partout. Et on ne fait rien. Tout juste 20 euros filés au Téléthon tous les ans. Et voilà, conscience sauve. Ce n’est pas comme ça que je vois les choses et je pense que, oui, en montrant l’exemple et en me dévouant pour un certain idéal, j’entraînerai des gens avec moi. Qui sauve une vie, sauve l’humanité toute entière. Moi, j’y crois.
Tu veux réellement me faire croire à moi que si tous les riches sont en haut et tous les pauvres en bas, c'est une espèce de loi naturelle ? Je vais te dire une chose : soit tu crois vraiment en ce principe, et dans ce cas tu es un crétin fini, soit tu tentes de me berner en bonne et due forme et là tu es une ordure.
— Et je suis supposée boire ça comment ? s'agaça-t-elle.
— Avec votre bouche, Madame.
Oui, peut-être disait-il vrai. Peut-être aussi que les policiers qui avaient rigolé sur son passage s'étaient subitement mis à penser à une vieille blague qu'ils venaient de comprendre. Peut-être aussi que les impôts seraient baissés dès le prochain mandat et peut-être aussi que ses ex voulaient vraiment rester amis. En vérité, elle n'en savait rien et ce n'était pas le plus important.
Aujourd'hui, Menel Ara était une ville coupée en deux, géographiquement et socialement. Un sentiment qui revenait à la vue de ces huit piliers et de cette extraordinaire galette. Chef-d'œuvre architectural. Monstruosité humaine.
Meyer présentait une expression similaire à celle qu'elle arborait en public. Sam ne put s'empêcher de se réjouir qu'une femme puissante comme elle puisse rester elle-même en toutes circonstances. Posée, calme, lisse...
- Oh, Mary, tu me fais chier, bordel ! A un moment, tes conseils à la con, tu peux te les foutre au cul !
Un courant d'air passa dans l'esprit de Sam. Le genre de gel de cerveau qui arrive quand on entend ses parents parler de sexe pour la première fois. Ou quand on voit un prêtre dans un strip-club. Ou quand on entend ses parents et un prêtre parler de sexe dans un strip club.
- Ah, cool ça.
Trois mots. Presque aussi bien que sa copine. Sam le rangea immédiatement dans la catégorie « Beau comme un dieu, mais con comme un croyant. »