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Critique de afriqueah


Il faut un Sénégalais pour faire revivre la mémoire du botaniste Michel Adanson, parti dans une des dernières « possessions » françaises- les iles de Saint Louis et de Gorée- après les tractations infructueuses de Louis XV, le mal aimé sauf au fond des alcôves.
Le siècle des Lumières veut classer, Linné en tête, qui prétend même classer les botanistes en genres : les professionnels ( lui), les amateurs ( Jean Jacques Rousseau) et les voyageurs. Dont serait Michel Adanson, nommé par la Compagnie des Indes à Saint Louis, appelée Concession du Sénégal, où il restera six ans.
Déjà botaniste , il avait décrit 4000 espèces de plantes, et il rapportera du Sénégal 300 plantes vivantes, qu'il acclimatera au Jardin du Roi, des coquillages, des dessins, des herbiers, des échantillons de plantes diverses, dont le baobab, qu'il a été le premier à décrire. Il écrira « Familles de plantes » en 1763, et préparera une encyclopédie de 23 volumes.
Tout cela, nous dit David Diop va de pair avec l'idée des « bizarreries de la nature, si encline à enfreindre ses propres lois sous une uniformité de façade », donc difficile à classer.
Il évoque aussi les dissensions, les jalousies et les coups bas de ce milieu de la science naissante, et la mort d'Adanson dans la misère.
Mais l'autre intérêt du livre réside dans l ‘exposé de l'interaction entre l'homme et la nature au pays : les hommes doivent réciter des prières avant de couper les arbres, pour éloigner les mauvais génies des villages pris sur la brousse.
Ils parlent aux arbres, et leur demandent pardon avant de les abattre. Avant de tuer un gibier, un rituel de conciliation s'impose, en l'absence de quoi les forces occultes de la nature se vengent.
Les génies, les rabs, protègent, comme nos fées, et la croyance en leur pouvoir sauve parfois des vies, comme Maram, échappée d'un viol incestueux, et à la fois la plie au destin de cet esprit qui la possède. D'où son peu de résistance à se faire capturer parla suite. Rien ne peut lui arriver, croit-elle. Or, si.

Et David Diop nous décrit, dans la bouche d'Adanson écrivant à sa fille Aglaé les « remugles de douleurs inconsolables, sédiments de cris de femmes démentes, d'enfants volés à leur mère, frères pleurant leurs soeurs, suicides silencieux », ainsi que les petits de 4 et 8 ans, embarqués sur une pirogue après passage de la porte sans retour.

Il y a malheureusement plusieurs portes sans retour. Dans le livre de David Diop, il s'agit de celle de l'Ile de Gorée. Aux alentours des forts du Ghana, Cape Coast, une autre …. Au Bénin, à Ouidah, une autre, montrée dans le film Cobra Verde, souvenir personnel : un petit garçon, fils de nos amis, a compris le sens de la porte donnant sur la mer, et sanglotait .Nous sanglotions aussi, les mots étaient inutiles.
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