David Diop est écrivain français et enseignant-chercheur spécialiste de littérature du XVIIIe siècle. Il a remporté le prix Goncourt des lycéens en 2018 et du prix international Man-Booker en 2021 pour son roman Frère d'âme. Frère d'âme raconte à la 1ère personne la plongée d'un tirailleur sénégalais dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale.
David Diop répond à nos questions concernant la manière dont il a travaillé sur Frère d'âme.
00:00 Comment avez-vous travaillé sur frère d'arme ?
01:15 Avez-vous beaucoup réécrit ?
02:36 Avez-vous beaucoup préparé ?
04:00 avez-vous besoin d'un temps de gestation longue ?
04:37 Avez-vous la trajectoire de votre personnage en tête avant l'écriture ?
05:46 Avez-vous besoin de connaître la fin ?
06:04 êtes vous allé sur les lieux de votre histoire ?
07:39 Saviez vous ce que vous vouliez faire ressentir ?
08:15 Pourquoi la première personne
10:12 Avez vous fait relire votre livre ?
10:58 Votre manière de travailler a évoluée au fil de vos romans?
11:57 En quoi votre manière d'écrire a-t-elle évoluée ?
13:15 vous inspirez vous de connaissances pour écrire vos personnages ?
13:36 Faut-il ne pas lire d'autres écrivains pour éviter d'être influencé ?
14:19 Avez vous des modèles littéraire lorsque vous écrivez votre roman?
15:03 Est-ce que votre travail d'enseignant chercheur nourrit votre travail d'écrivain ?
16:08 avez-vous une idée de ce que vous voulez faire ressentir au lecteur ?
16:42 Quelle est l'émotion que vous vouliez communiquer sur frère d'arme ?
17:24 Avez-vous des conseils pour des apprentis écrivain(nes) ?
Réalisé le 21 mai 2022 à la
Villa Gillet, dans le cadre de Littérature Live Festival 2022.
Interview & caméra :
Lionel Tran. Montage : Ryu Randoin
Nous remercions
Lucie Campos et la
Villa Gillet pour leur soutien.
Cette interview a été rendue possible grâce au professionnalisme de Luc Angelini.
QUI SOMMES-NOUS ?
Les Artisans de la Fiction sont des ateliers d'écriture situés à Lyon. Nous prônons un apprentissage artisanal des techniques d'écriture et avons pour objectif de rendre nos élèves autonomes dans l'aboutissement de leurs histoires. Pour cela nous nous concentrons sur l'apprentissage et la transmission des techniques de base de la narration en nous inspirant du creative writing anglophone. Nos élèves apprennent en priorité à maîtriser : la structure de l'intrigue, les principes de la fiction, la construction de ses personnages
Nous proposons également des journées d'initiation pour vous essayer au creative writing et découvrir si cet apprentissage de l'écriture de fiction est fait pour vous.
Retrouvez tous nos stages d'écriture sur notre site : http://www.artisansdelafiction.com/
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Villa Gillet : https://www.villagillet.net/
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La France du capitaine a besoin que nous fassions les sauvages quand ça l’arrange. Elle a besoin que nous soyons sauvages parce que les ennemis ont peur de nos coupe-coupe. Je sais, j’ai compris, ce n’est pas plus compliqué que ça.
Page 25, Seuil, 2018.
À la guerre, quand on a un problème avec un de ses propres soldats, on le fait tuer par les ennemis. C'est plus pratique.
Il faut faire attention, quand on se pense libre de penser ce qu'on veut, de ne pas laisser passer en cachette la pensée déguisée des autres, la pensée maquillée du père et de la mère, la pensée grimée du grand-père, la pensée dissimulée du frère ou de la sœur, des amis, voire des ennemis.
Comme dit un proverbe peul: "Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé. "
La nuit au Sénégal est un concept discordant de cris, de gémissements, de hululements d’animaux petits ou grands, en chasse ou chassés, que l’on finit par ne plus entendre à force d’habitude.
(page 181)
Quand il ne porte pas d’arme à feu, un guerrier de métier comme lui se sent nu. Irascible par principe, querelleur, surtout après avoir bu cette mauvaise eau-de-vie. Il tue sans état d’âme s’il suppose qu’on lui a manqué de respect. Les gens de son espèce sont craints et haïs par tous les paysans du Sénégal car ce sont des faiseurs d’esclaves, des violents.
(pages 146-147)
En observant les yeux bleus de l'ennemi, je vois souvent la peur panique de la mort, de la sauvagerie, du viol, de l'anthropophagie. Je vois dans ses yeux ce qu'on lui a dit de moi et ce qu'il a cru sans m'avoir rencontré auparavant.
" La France du capitaine a besoin de notre sauvagerie et comme nous sommes obéissants , moi et les autres, nous jouons les sauvages.
Nous tranchons les chairs ennemies , nous estropions , nous décapitons, nous éventrons . "
Les palais, les châteaux, les cathédrales dont nous nous glorifions en Europe sont le tribut payé aux riches par des centaines de générations de pauvres gens dont personne ne s’est soucié de conserver les masures.
Les monuments historiques des Nègres du Sénégal se trouvent dans leurs récits, leurs bons mots, leurs contes, transmis d’une génération à l’autre par leurs historiens-chanteurs, les griots. Les paroles des griots, qui peuvent être aussi ciselées que les plus belles pierres de nos palais, sont leurs monuments d’éternité monarchique.
(pages 54-55)
Que les Nègres n’aient pas construit de bateaux pour venir nous réduire en esclavage et s’approprier nos terres d’Europe ne me paraît pas non plus être une preuve de leur infériorité, mais de leur sagesse.