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Critique de fanfanouche24


Après la découverte étonnante du dernier texte de cette auteure, d'origine iranienne, "Les putes voilées n'iront jamais au paradis", je me suis précipitée à la médiathèque pour emprunter d'autres écrits, dont celui-ci...afin de faire plus ample connaissance avec cette femme écrivain, courageuse, qui écrit directement en français !

Dans cette "Dernière séance"... la narratrice iranienne relate ses aventures à un double niveau, avec des flash-backs sur Téhéran, son pays, l'Iran, Istanbul où elle entreprend des études, Sofia et enfin Paris...et en alternance, elle nous raconte 6 années d' analyse... Psychanalyse mouvementée où la narratrice apostrophe souvent rudement et insolemment son psy...

Le texte est fort intéressant, parfois inégal... Personnellement, ... les passages qui m'ont le plus touchée sont les réflexions sur la langue française, à laquelle elle rend un vibrant hommage.

"C'est peut-être insensé de dire ça, mais en français, je veux dire dans la langue elle-même, j'ai trouvé un refuge...
-Oui
-...Chaque mot que j'ai arraché au dictionnaire m'a arrachée à son tour aux blessures que j'avais vécues en persan.(...)
-Je ne sais comment le dire...J'ai fait miens les mots français, et eux, ils ont fait leur mon enfance, mon enfance qui s'est passé sans eux.(...)
- Ils ont créé une distance, un espace entre moi et le passé que j'ai vécu dans ma langue maternelle, et c'est dans cet espace-là que je pourrais, peut-être construire une vie...
Dans cet entre-deux. (...)
J'aime cette langue comme on peut aimer quelqu'un... Elle est la plus belle rencontre de ma vie" (p. 198)

L'héroïne dit son mal-être, le mal du pays lancinant, les déchirures multiples (une mère mal-aimante qui désirait un garçon, lui reprochant régulièrement d'être une fille; un père brillant , mais dont la vie bascule avec l'opium et la folie...qui fut la terreur dans sa demeure..et pour sa fille !.), la nécessité de claquer la porte "familiale" pour tenter de survivre...

Comme il est connu, dans ces pays, être une jeune fille seule même des plus courageuse, est un péril de tous les instants...

Des allées-retours dans le récit, entre le déroulement des séances psy... et le vrai "parcours de combattante" de la narratrice pour fuir son pays , l'Iran, afin d'échapper à une famille mortifère,à un régime de terreur, ainsi qu'aux déconsidérations constantes, violentes, envers les femmes, et même les petites filles...

Une échappée vers la Turquie, puis vers la Bulgarie, puis à nouveau vers la Turquie, où Donya travaille avec acharnement pour obtenir des papiers, entrer à l'Université...

En sus de ce double niveau de récit, s' intercalent des poèmes...personnels !
La narratrice se débat en France, à Paris, dans sa chambre de bonne pour poursuivre ses études, et payer parallèlement ses séances d'analyse...On sent la narratrice à la fois , fascinée et exaspérée,méfiante envers la psychanalyse...


De nombreuses thématiques s'entrecroisent: l'exil, l'apprentissage d'une langue, se construire envers et contre tout lorsqu'on naît "fille" dans un pays non démocratique, où les discriminations envers les femmes sont "monnaie courante", et quasi "institutionnelles"....

"Et crois-tu que les choses ne vont pas changer pour les femmes ? Tu sais, avant d'aller en France, je me croyais seulement un homme, et depuis que je vis à Paris, je suis devenu un être humain.
Et ça, c'est grâce à des relatons amoureuses ou amicales que j'ai eues avec des Françaises. J'ai compris à quel point dans nos pays musulmans on abîme mentalement hommes et femmes. Cette virilité fruste, ce mépris de la féminité qu'on inculque aux hommes..."(p. 477)

Un texte qui m'a permis de faire connaissance avec l'univers de Chahdortt Djavann... même si personnellement, les séances psy auraient pu être réduites...autre bémol: la fin tragique de Donya...

On se surprend... à être heureux , soulagé de savoir l'auteure, vivante... et poursuivant par l'écriture, ses courageux engagements et dénonciations des "malheurs faits aux femmes" dans les espaces minés par la propagande et le fanatisme religieux...

En dépit de passages inégaux et de la conclusion qui m'afflige, ce texte est prenant, rythmé, réunissant colère, rébellion, indignation, poésie, et une insolence des plus salutaires ....!


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