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Critique de indimoon


Je n'étais pas loin d'un billet sous forme d'ode au livre doudou, avec ce roman. le livre qu'on prend plaisir à ouvrir, auquel on pense dans la journée et qui nous réchauffe comme une couette douillette, à la veillée. le livre que l'on lit avec une pointe de regret une fois la première moitié passée, constatant que ce qu'il reste à lire s'amenuise de jour en jour, hélas. de ces belles rencontres trop rares qui nous poussent tous à ouvrir des romans, en quête du Graal, des cinq belles et pleines étoiles du babéliote repu d'une bonne lecture.
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Qu'y a-t-il dans mon roman doudou ? de l'Emotion, du Dépaysement, et du Mystère (avec majuscules).
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L'émotion naît des personnages, dans ce livre. Un entrelacs de personnages vivant à différents endroits, à différentes temporalités. Konstance dans une capsule spatiale; Anna et Omeir qui vivent la chute de l'empire romain à Constantinople. Zeno immigré aux States, fait prisonnier lors de la guerre de Corée, qui tâche de marcher sur les pas de son père héros de guerre. Seymour un jeune américain à la sensibilité exacerbée qui le conduit à l'extrémisme. le duo qu'il forme avec sa mère est bouleversant. Il peut s'avérer frustrant de passer de l'un à l'autre de ces personnages, dont l'histoire nous est contée en alternance, et dont on ne saisit pas immédiatement le rapport entre eux. Mais Anthony Doerr nous parle d'eux de telle manière que je n'ai ressenti aucune frustration, même à abandonner un personnage au coeur d'une scène à suspens. J'ai été touchée par chacun d'eux. Par un mélange de force et de faiblesse qui me les a rendus très réalistes, de parfaits imparfaits. Par l'humanité et la douceur dont fait preuve l'auteur, les brins de lumière qui éclairent des destinées parfois très sombres. Tout est en nuances, rien ni personne n'est tout noir ou tout blanc.
La langue de Anthony Doerr est saisissante. Il se fait conteur, déliant une sorte de ruban de soie de mots, coupée tout à coup assez brusquement par une phrase plus courte, presque sèche, qui change le rythme et la tonalité de l'écriture.
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Konstance dans sa capsule s'est entourée de petits papiers, emballages de la nutri-poudre qui la nourrit, écrits de sa main où il est en partie question d'un livre écrit par Diogène en grec ancien au premier siècle "La cité des nuages et des oiseaux". Zeno en est le traducteur. Anna est une orpheline vivant avec sa soeur dans un couvent. Son extraordinaire curiosité se pique à l'apprentissage du grec ancien. La trame du rapport entre les personnages se tisse autour de ce livre, au pouvoir défiant les lois du temps.
Chacun des vingt-quatre chapitres est précédé d'un extrait de ce roman ancestral, qui conte l'histoire d'Aethon, le berger en quête de la cité fabuleuse où les richesses coulent à flots, et qui détient les secrets de l'Univers. Nous évoluons de l'univers des contes ancestraux, sages et un brin naïfs de prime abord, à la pesante ambiance de Constantinople sur le point d'être assiégée. Nous vivons avec Anna, qui vit dans l'enceinte de la ville, mais aussi avec Omeir, un bulgare enrôlé par le sultan pour conquérir ce dernier bastion de l'empire romain. Nous partageons la vie de Zeno et de Seymour, l'Amérique contemporaine, et nous abordons le futur, avec Konstance à bord de l'Argos...Je crois que ce terme de dépaysement convient bien à ce roman; d'autant plus que tous ces tableaux de personnages et de périodes bigarrées sont loin d'êtres survolés, ils sont riches et denses.
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le tour de force de ce livre est finalement justement sa structure, telles des pièces de puzzle toutes si singulières que l'on pourrait à tort croire l'assemblage de guingois. C'est aussi l'aura de mystère qui imprègne l'histoire de ce livre de Diogène, la façon dont il traverse les siècles, la façon dont il peut soigner et extraire de situations périlleuses. Et surtout...Contient-il réellement "la totalité du monde"?
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Ma cinquième étoile brillait pourtant, mais elle a perdu de sa superbe à la toute fin du roman. Une fin quelque peu expédiée ce qui est sidérant pour un roman si généreux tout du long (du coup je fais pareil avec mon billet, na). Sans compter une pièce de puzzle qui s'est égarée. Anthony Doerr sera tout excusé s'il nous fabrique un tome 2.








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