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Critique de Chouchane


Photo de groupe au bord du fleuve est un récit puissant et perturbant. Dongala nous offre une plongée dans un Congo contemporain où cohabitent misère et luxe bling-bling, solidarité et dénonciation, au sein d'une organisation sociétale en quasi-caste où le mépris pour les pauvres et les femmes s'accompagne de violence mais aussi de combats rédempteurs. C'est d'une terrible actualité avec ce que vivent aujourd'hui les plus démunis de cette planète, migrants, paysans des pays en voie de développement, esclaves de l'industrie en passant par les injustices faites aux femmes partout dans le monde.

Le récit démarre par une très belle phrase qui donne le ton de tout l'ouvrage «tu te réveilles le matin et tu sais d'avance que c'est un jour déjà levé qui se lève ». C'est Méré qui se réveille et va préparer, comme chaque matin, ses trois enfants. On apprend très vite le plus jeune enfant, une petite fille est celle de sa soeur Tamara morte du sida peut-être contaminée par son mari et « c'est triste à dire, (en Afrique) il n'y a pas que le sida et la malaria qui tuent, le mariage aussi ».

Méré part vers son travail : casser des pierres au bord du fleuve pour en faire du gravier. Avec elle, une dizaine d'autres femmes. Pourquoi sont-elles là, comment ont-elles été amenées à faire ce travail de misère ? Qui sont-elles ? On le découvre au fil de leur lutte car toutes avec une solidarité indéfectible vont se lancer dans un combat pour la reconnaissance de leur travail et pour leur dignité. La vie et les épreuves de chacune seront racontées au cours du récit.

Au départ, il ne s'agit pas de grand chose, juste la demande d'une augmentation du prix de vente de leur sac de pierres. A partir de ce fait presque anodin, Dongala montre comment le dédain, l'arrogance et la bêtise des hommes entraînent ces femmes dans une spirale incontrôlable.

Si Dongala n'était pas un homme, on aurait taxé le livre de misandre car cet ouvrage est une charge contre le sexe masculin. Compromis par le pouvoir et l'argent, infidèles, ces hommes exploitent sans scrupules des femmes exténuées. Tous ceux qui occupent des fonctions officielles sont corrompus et plus encore s'ils approchent des hautes sphères de l'Etat. On sent que Dongala a souffert des conflits qui ont traversé et qui traversent toujours le Congo qu'il a du fuir en 1997. Sa description des politiques africains (hommes femmes confondus) est stupéfiante. Il dépeint des êtres totalement dépourvus de sens moral et de bonne foi, sans aucune intégrité et au final éminemment dangereux pour leur peuple et surtout pour les femmes qui sont les premières victimes des inégalités qu'elles soient coutumières ou modernes.

La narration faite à la deuxième personne du singulier (je crois n'avoir rien lu dans le genre) us met immédiatement dans une position active comme si c'était nous qui parlions à Méré.
Autre originalité remuante, les actualités radiophoniques que Méré écoute régulièrement et qui émaillent le récit. On soupçonne qu'elles doivent être issus du monde réel mais elles sont tellement ahurissantes que j'ai voulu vérifier mon intuition : hélas elles sont vraies !

Plus qu'une photographie au bord d'un fleuve, Dongala nous livre un film documentaire sur l'Afrique et les femmes. Lorsqu'un récit en cache un autre, qu'il vous livre en supplément une vision du monde, un éclairage social et historique avec en prime une belle histoire alors vous êtes sûr de passer un moment intense. C'est le cas de cette Photo, Un livre qui se développe encore dans ma tête une fois refermé.
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