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Critique de willymjg


Sibérie, Tri Kresta, mars 2000

Il a neigé une vingtaine de centimètres sur la couche gelée. L'air glacé perce ma chapka.
J'étais dans le bois sous la colline, je ne l'ai pas entendu, je me suis retournée et il était là. J'ai hurlé en reculant mais suis tombée sur le dos. L'ours, un mâle à peine sorti de son hibernation, maigre et affamé, avançait à petits pas, en grognant. Tétanisée, j'ai pensé : « OK, ma fille, c'est ton tour... Tu vas mourir sous les griffes d'un ours... » Je ne sais plus si je pensais ça, non, sûrement pas, la peur déconnecte le cerveau, la machine s'emballe. J'ai battu des bras pour m'extirper de la neige, basculé sur les genoux, et il s'est arrêté. Il grognait de plus en plus fort et d'un coup il s'est mis debout. La peur a perforé mon crâne comme une chignole la couche de glace. J'ai entendu quelque chose se déchirer dans ma tête. Un bruit de papier. J'ai fermé les yeux, appelé Ilya, mais son visage avait volé en éclats, je ne voyais plus qu'une ombre. J'ai hurlé de tout mon corps. Que sa patte m'arrache la tête, que tout soit vite terminé...
Quand j'ai ouvert les yeux, il faisait presque nuit. le froid m'engourdissait. L'ours avait disparu. J'étais VIVANTE !!! Un miracle... le hurlement, l'évanouissement dans la foulée, l'animal avait dû se désintéresser de ce corps inerte. Qui sait ce qui traverse la conscience d'un ours... Je me suis levée en m'appuyant sur un bout de bois. Pas de mal. Juste du flou dans la tête, un brouillard qui empêchait mes instruments de contrôle de fonctionner normalement. Et ce leitmotiv saugrenu : as-tu remis une bûche dans le poêle avant de sortir ?

Ozane Sorokin-Roth. C'est mon nom… Je me suis habituée à ce nom opaque, on s'habitue à tout, comme à être une femme sans passé, mais l'ours a fait fondre la chape de glace dans ma tête et je n'aime pas ce que je vois. Une machine s'est remise en branle, elle tourne à plein régime pour rattraper le temps évanoui, et je ne peux rien faire pour la stopper. Ma vie se délite. Penser à autre chose, penser à aujourd'hui, là, maintenant… Je n'aime pas ce qui bouillonne dans ma tête. Une eau trouble avec cette horreur en suspension.
La mémoire émerge lentement, comme une souche grise à l'heure du dégel. Je reconnais la Blanche enfouie. Elle n'est pas seule. Elles sont des centaines alignées sur une place immense.

Une lectrice (Monique Smans) avait écrit ce commentaire sur Babelio : Que voilà un livre terriblement addictif ! Une histoire passionnante, intéressante et diablement bien construite ! L'alternance des chapitres et des différents pans de vie évite toute lassitude dans la lecture et rend fort bien le délicat processus de recouvrement de la mémoire.
Et puis, quel beau voyage au bord du lac Baïkal dont l'auteur restitue à merveille l'atmosphère envoûtante !

Cela avait attisé ma curiosité.

J'aime les mots quand ils disent les cailloux du chemin, la souffrance des arbres, la tristesse des ciels et de l'âme prise dans les filets de la vie.

Plus rien ne pouvait atteindre Ozane. Pas même la vérité.

Ozane va découvrir la Blanche Gribert enfouie au plus profond de son être. Si le sommeil me prend, les souvenirs empruntent la voie du rêve ; s'il se refuse, il monte à l'assaut. le matin, j'ai la nausée, je ne veux pas de cette femme en moi, je m'obstine à nier Blanche, comme si j'avais le choix, que je pouvais trier les images du passé, pour remettre le couvercle, rendre les photos à l'obscurité de la boîte. Blanche Gribert veut coloniser ma tête, disséquer ma vie. Chaque fois que la vie a voulu me plier la nuque, je l'ai laissée me courber vers le sol, le dos rond. J'ai appris à attendre… j'ai appris les secrets du temps immobile. Une vie de patience et d'enracinement sur les berges du lac, et maintenant ce puits dans ma tête, d'où remonte des seaux emplis de souffrance.

Entre la vallée mosane, les rives du lac Baïkal et les camps de la mort, Ozane-Blanche pose la question de l'identité quand le destin a bouleversé les cartes.


Lien : https://lesplaisirsdemarcpag..
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