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EAN : 9782807004252
M.E.O Editions (08/02/2024)
4.88/5   13 notes
Résumé :
Sacha s’est retiré dans une cabane au bord du lac Baïkal pour écrire l’histoire de sa mère telle qu’elle la lui a léguée dans ses carnets.
Ozane Sorokin, amnésique suite à un accident lors de la libération du camp de Ravensbrück a épousé un de ses libérateurs et a vécu avec lui une vie simple et heureuse en Sibérie. Un jour, elle tombe nez à nez avec un ours et la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Sibérie, Tri Kresta, mars 2000

Il a neigé une vingtaine de centimètres sur la couche gelée. L'air glacé perce ma chapka.
J'étais dans le bois sous la colline, je ne l'ai pas entendu, je me suis retournée et il était là. J'ai hurlé en reculant mais suis tombée sur le dos. L'ours, un mâle à peine sorti de son hibernation, maigre et affamé, avançait à petits pas, en grognant. Tétanisée, j'ai pensé : « OK, ma fille, c'est ton tour... Tu vas mourir sous les griffes d'un ours... » Je ne sais plus si je pensais ça, non, sûrement pas, la peur déconnecte le cerveau, la machine s'emballe. J'ai battu des bras pour m'extirper de la neige, basculé sur les genoux, et il s'est arrêté. Il grognait de plus en plus fort et d'un coup il s'est mis debout. La peur a perforé mon crâne comme une chignole la couche de glace. J'ai entendu quelque chose se déchirer dans ma tête. Un bruit de papier. J'ai fermé les yeux, appelé Ilya, mais son visage avait volé en éclats, je ne voyais plus qu'une ombre. J'ai hurlé de tout mon corps. Que sa patte m'arrache la tête, que tout soit vite terminé...
Quand j'ai ouvert les yeux, il faisait presque nuit. le froid m'engourdissait. L'ours avait disparu. J'étais VIVANTE !!! Un miracle... le hurlement, l'évanouissement dans la foulée, l'animal avait dû se désintéresser de ce corps inerte. Qui sait ce qui traverse la conscience d'un ours... Je me suis levée en m'appuyant sur un bout de bois. Pas de mal. Juste du flou dans la tête, un brouillard qui empêchait mes instruments de contrôle de fonctionner normalement. Et ce leitmotiv saugrenu : as-tu remis une bûche dans le poêle avant de sortir ?

Ozane Sorokin-Roth. C'est mon nom… Je me suis habituée à ce nom opaque, on s'habitue à tout, comme à être une femme sans passé, mais l'ours a fait fondre la chape de glace dans ma tête et je n'aime pas ce que je vois. Une machine s'est remise en branle, elle tourne à plein régime pour rattraper le temps évanoui, et je ne peux rien faire pour la stopper. Ma vie se délite. Penser à autre chose, penser à aujourd'hui, là, maintenant… Je n'aime pas ce qui bouillonne dans ma tête. Une eau trouble avec cette horreur en suspension.
La mémoire émerge lentement, comme une souche grise à l'heure du dégel. Je reconnais la Blanche enfouie. Elle n'est pas seule. Elles sont des centaines alignées sur une place immense.

Une lectrice (Monique Smans) avait écrit ce commentaire sur Babelio : Que voilà un livre terriblement addictif ! Une histoire passionnante, intéressante et diablement bien construite ! L'alternance des chapitres et des différents pans de vie évite toute lassitude dans la lecture et rend fort bien le délicat processus de recouvrement de la mémoire.
Et puis, quel beau voyage au bord du lac Baïkal dont l'auteur restitue à merveille l'atmosphère envoûtante !

Cela avait attisé ma curiosité.

J'aime les mots quand ils disent les cailloux du chemin, la souffrance des arbres, la tristesse des ciels et de l'âme prise dans les filets de la vie.

Plus rien ne pouvait atteindre Ozane. Pas même la vérité.

Ozane va découvrir la Blanche Gribert enfouie au plus profond de son être. Si le sommeil me prend, les souvenirs empruntent la voie du rêve ; s'il se refuse, il monte à l'assaut. le matin, j'ai la nausée, je ne veux pas de cette femme en moi, je m'obstine à nier Blanche, comme si j'avais le choix, que je pouvais trier les images du passé, pour remettre le couvercle, rendre les photos à l'obscurité de la boîte. Blanche Gribert veut coloniser ma tête, disséquer ma vie. Chaque fois que la vie a voulu me plier la nuque, je l'ai laissée me courber vers le sol, le dos rond. J'ai appris à attendre… j'ai appris les secrets du temps immobile. Une vie de patience et d'enracinement sur les berges du lac, et maintenant ce puits dans ma tête, d'où remonte des seaux emplis de souffrance.

Entre la vallée mosane, les rives du lac Baïkal et les camps de la mort, Ozane-Blanche pose la question de l'identité quand le destin a bouleversé les cartes.


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Suite à sa rencontre avec un ours, Ozane Sorokin, Russe Sibérienne, épouse d'Ilya, recouvre la mémoire. Quelle femme au passé douloureux se loge en elle ? Obsédée par Blanche, résistante prisonnière à Ravensbrück, Ozane protège Foka, ancien prisonnier du Goulag. le présent et le passé s'entremêlent, les identités se confondent (Ozane, Blanche… Blanche, Ozane). Louvoyant entre les époques et les lieux (« le Baïkal à la sortie de l'hiver se savoure dans le silence »), dans une langue poétique et magistrale, Claude Donnay nous saisit à la gorge pour nous emmener dans les abysses de l'âme humaine. Un roman peuplé d'ombres (« Les ombres ne nous quittent jamais »), d'horreur (« Il peut se rebeller, mon ventre, je n'ai rien à vomir »), d'humanité (« Elle est morte la nuit dernière dans mes bras. Nous l'avons portée sur la charrette ») et d'amour (trois poètes dans la vie d'Ozane, et un fils, qui retrace l'histoire de sa mère).
Un vibrant hommage à Éliane Gillet qui a inspiré à l'auteur le personnage de Blanche, et dont « l'âme habite la tombe familiale dans le petit cimetière d'Hermeton ».
Un très beau roman de l'écrivain belge Claude Donnay.
Pour ne pas oublier. Jamais.
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Rencontrer Ozane et Blanche grâce à l'écriture captivante de Claude Donnay m'a remuée, touchée, enrichie. J'étais avec elle(s) entre le lac Baïkal, Harmeton et Ravensbrück, entre douceur et effroi, terreur et beauté, douleurs et amours. Ozane est un roman intense, beau et interpellant. C'est aussi une lecture recommandable dans cette époque où l'extrême droite si révulsante et si dangereuse semble gagner du terrain dans tant de pays européens.
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Le dernier roman de Claude Donnay est magistral de bout en bout. Son résumé étant déjà disponible ici, je ne m'ennuierai pas à en pondre un de plus. L'une de ses phrases, tout de même, pour donner le ton de cet hommage à la mémoire et aux femmes victimes des déportements : « le destin tourne comme une girouette. On échappe à l'enfer, on rate une marche et tout bascule. »
Je ne mets pas 5 étoiles, par principe, mais je lui décernerais un prix littéraire les yeux fermés!




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OZANE : voilà un roman remarquable au sens premier du terme. Remarquable par le style de Claude Donnay et par son art de raconter et de décrire. Par l'histoire surtout, originale, qui mêle période contemporaine et Seconde Guerre mondiale, avec un gros plan sur le sort des malheureuses dans les camps (ici Ravensbrück) et la cruauté de leurs geôlières. L'horreur prend aux tripes. le récit est dense, percutant, sans compromis, mais néanmoins extrêmement pudique. Une bel hommage à ces femmes arrêtées, déportées, et en particulier à Ozane-Blanche, cette héroïne sortie du blanc pays de l'amnésie, partagée entre ses deux identités. On souffre avec elle(s), on compatit. Les personnages périphériques bienveillants dans la vie d'Ozane, vivants ou morts, sont terriblement attachants (Ilya, Foka, Sacha, Piotr). Les touches de poésie et l'ombre de Sylvain Tesson sont des respirations dans une histoire qui coupe le souffle sur fond de lac Baïkal, un décor qui remet l'humain à sa juste échelle. On imagine le travail de recherche documentaire considérable requis par l'écriture de ce roman. Un très beau livre !

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
J’entends : trahison, grâce, complices, trahison, parler avant qu’il soit trop tard. J’entends la voix de l’Hermeton sur les galets au sortir de l’hiver. J’entends la voix de maman, qui accompagne le linge sur le fil entre la branche du vieux charme et le piquet de pin gris. J’entends et je regarde le bois brillant du bureau, le rectangle vert, l’encrier et le téléphone accroupi comme un gros chien placide. Et je m’attache aux mains croisées sur le rectangle vert, aux deux bagues en or avec des lettres entremêlées. Je regarde les doigts et je pense aux moineaux qui se battaient dans l’aubépine, leurs cris de colère et de joie. Je ne sais pas pourquoi je suis là. Je le dis. Je ne parlerai pas.
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« Aujourd’hui le crépuscule a des teintes dorées. L’automne accroche aux arbres une lumière qui serre le cœur. Cela me rappelle les fins d’après-midi au bord de l’Hermeton, quand mes frères et moi rentrions de l’école. Parfois, notre mère cuisait des crêpes au saindoux. Les derniers rayons couraient sur les dalles noires du couloir, on entendait le poêle ronronner dans la cuisine. Je repousse ces doux souvenirs. »
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Je le laisse parler, j’ai appris cela d’Ilya, toujours laisser parler l’autre, l’écouter, que sa parole puisse émerger, se déployer et trouver l’harmonie nécessaire pour toucher à l’essentiel, aux mots qui pèsent leur poids de vie. Ne pas couper le fil, sinon la parole rentrera dans sa coquille comme un escargot effarouché.
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Les ombres ne nous quittent jamais, Anna, elles marchent à nos côtés et parfois se dressent devant nous avec leurs bouches muettes comme pour pour nous dissuader d’avancer.
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Aujourd'hui, on galope vers le futur mais il est bon encore de marcher vers le passé
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