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Critique de vibrelivre
Mildred/ All the Frequent Troubles of Our Day 2021
ou le destin exceptionnel d'une résistante américaine
dans l'Allemagne nazie
Rebecca Donner
biographie
traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Videloup et Perrine Chambon
Héloïse d'Ormesson, 2022, 424p
C'est une biographie, mais elle est écrite par son arrière-petite-nièce. Au fil des pages, on s'attache non pas tant à Mildred qu'au couple qu'elle forme avec Arvid, tous deux tournés vers le Bien et le Beau, épris d'idéaux comme un monde plus juste, où un homme ne se fait pas exploiter par un autre. Pour faire advenir ce monde meilleur, Arvid deviendra un espion pour l'Union Soviétique (mais Staline restera sourd aux alertes qui mettent en garde contre une invasion allemande) et adhérera même au Parti Nazi. On apprend qu'une concurrence meurtrière existait entre les différents services d'espionnage russes, et qu'une boulette de la part d'un des directeurs de ces services est à l'origine de l'arrestation de Mildred et d'Arvid.
Mildred est une Américaine de Milwaukke, d'un milieu très modeste et ayant pour père un alcoolique. Elle habite chez sa soeur aînée. L'école est un milieu qui lui convient. Elle étudie les Lettres amériaines, et plus précisément les auteurs qui se soucient du social et du politique. Elle traduira certains poèmes de Goethe, dont le titre original est un des vers.Elle rencontre un Allemand, un intellectuel, avec qui elle va à Berlin.
le sujet de la biographie est bien entendu Mildred, mais une Mildred qui s'engage dans la résistance allemande qui commence dès 1932, encore embryonnaire soit, qui se développera largement, mais qui ne sera jamais prise au sérieux par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. La France la considérera mais tard. Cette résistance se rencontre parmi les civils qui ne veulent pas d'un régime sanglant, racial et nauséabond (régime instauré par des ratés, Hitler un peintre raté, Goebbels un écrivain raté mais qui en revanche sait utiliser la radio par laquelle il fait entendre la voix magnétisante de Hitler) mais aussi parmi les hauts gradés de l'Armée.
Cet engagement la changera. de jeune femme radieuse, confiante en l'avenir, qui donne la priorité à ses idéaux et laisse en arrière ses désirs de grossesse, elle deviendra une femme sèche, apeurée, se sentant toujours surveillée, ne pouvant plus avoir d'enfants ; mais son engagement restera intact. Jugée une première fois, elle sera condamnée à six ans de travaux forcés. Ce verdict est insupportable à Goering qui obtiendra pour elle la peine de mort. Elle sera décapitée.
Ce livre nous en apprend beaucoup, ou bien agrandit nos connaissances. On voit la lente progression de Hitler vers le pouvoir sans aucunement user de la force, et comment il fait d'une démocratie parlementaire une dictature. Il compte sur la lâcheté des gens et le sens qu'ils ont de leurs intérêts. Une fois de plus, on constate le cynisme de certaines gens en temps de guerre : lors de la nuit des Longs Couteaux, les nazis confondent un critique musical et un membre des SA homonymes. Ils envoient le cercueil à sa veuve accompagné d'un mot d'excuse ; qu'on ne manque pas d'invention pour massacrer des hommes, ainsi on développe une camionnette mobile à gaz qui peut asphyxier jusqu'à quarante personnes en même temps ; ainsi on pratique des expériences inhumaines sur « les Lapins de Ravensbrûck ». On prend conscience des conséquences du fait d'avoir faim.
de façon plus anecdotique, on apprend le comportement lâche et tourmenté de Hans Fallada qui ne veut pas quitter l'Allemagne et concède un avant-propos honteux aux nazis pour son livre le roman du prisonnier ; Thomas Wolfe s'amuse et s'alcoolise tant en Allemagne qu'il ne s'aperçoit pas de la situation du pays.
On pense à certaines femmes d'aujourd'hui qui sont contre l'avortement, et au rôle qu'assignait Hitler aux femmes, privées de leur emploi, de s'inscrire à l'Université, de suivre un programme scolaire nourrissant. On pense à ce que font subir les Talibans aux femmes.
La construction du livre est intéressante : de longues parties sont consacrées à Mildred, de plus courtes à l'enfant, un jeune Américain qui servait de courrier entre Mildred et son père. Quelle responsabilité donnait-on à ce garçonnet qui maîtrisait sa fonction. Ces pages consacrées à l'enfant apportent un peu de fraîcheur. Quelques fragments d'interrogatoires sont donnés à lire. Un petit nombre de photos illustrent le texte. Les chapitres sont constitués comme des rapports, sans doute pour éviter tout pathos, relatant différents points, et qui résonnent comme des appels à rester toujours vigilants.
Des pièces manquent encore dans les archives. le dossier de Mildred est toujours classé.
On salue le courage de tous ces résistants.
ou le destin exceptionnel d'une résistante américaine
dans l'Allemagne nazie
Rebecca Donner
biographie
traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Videloup et Perrine Chambon
Héloïse d'Ormesson, 2022, 424p
C'est une biographie, mais elle est écrite par son arrière-petite-nièce. Au fil des pages, on s'attache non pas tant à Mildred qu'au couple qu'elle forme avec Arvid, tous deux tournés vers le Bien et le Beau, épris d'idéaux comme un monde plus juste, où un homme ne se fait pas exploiter par un autre. Pour faire advenir ce monde meilleur, Arvid deviendra un espion pour l'Union Soviétique (mais Staline restera sourd aux alertes qui mettent en garde contre une invasion allemande) et adhérera même au Parti Nazi. On apprend qu'une concurrence meurtrière existait entre les différents services d'espionnage russes, et qu'une boulette de la part d'un des directeurs de ces services est à l'origine de l'arrestation de Mildred et d'Arvid.
Mildred est une Américaine de Milwaukke, d'un milieu très modeste et ayant pour père un alcoolique. Elle habite chez sa soeur aînée. L'école est un milieu qui lui convient. Elle étudie les Lettres amériaines, et plus précisément les auteurs qui se soucient du social et du politique. Elle traduira certains poèmes de Goethe, dont le titre original est un des vers.Elle rencontre un Allemand, un intellectuel, avec qui elle va à Berlin.
le sujet de la biographie est bien entendu Mildred, mais une Mildred qui s'engage dans la résistance allemande qui commence dès 1932, encore embryonnaire soit, qui se développera largement, mais qui ne sera jamais prise au sérieux par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. La France la considérera mais tard. Cette résistance se rencontre parmi les civils qui ne veulent pas d'un régime sanglant, racial et nauséabond (régime instauré par des ratés, Hitler un peintre raté, Goebbels un écrivain raté mais qui en revanche sait utiliser la radio par laquelle il fait entendre la voix magnétisante de Hitler) mais aussi parmi les hauts gradés de l'Armée.
Cet engagement la changera. de jeune femme radieuse, confiante en l'avenir, qui donne la priorité à ses idéaux et laisse en arrière ses désirs de grossesse, elle deviendra une femme sèche, apeurée, se sentant toujours surveillée, ne pouvant plus avoir d'enfants ; mais son engagement restera intact. Jugée une première fois, elle sera condamnée à six ans de travaux forcés. Ce verdict est insupportable à Goering qui obtiendra pour elle la peine de mort. Elle sera décapitée.
Ce livre nous en apprend beaucoup, ou bien agrandit nos connaissances. On voit la lente progression de Hitler vers le pouvoir sans aucunement user de la force, et comment il fait d'une démocratie parlementaire une dictature. Il compte sur la lâcheté des gens et le sens qu'ils ont de leurs intérêts. Une fois de plus, on constate le cynisme de certaines gens en temps de guerre : lors de la nuit des Longs Couteaux, les nazis confondent un critique musical et un membre des SA homonymes. Ils envoient le cercueil à sa veuve accompagné d'un mot d'excuse ; qu'on ne manque pas d'invention pour massacrer des hommes, ainsi on développe une camionnette mobile à gaz qui peut asphyxier jusqu'à quarante personnes en même temps ; ainsi on pratique des expériences inhumaines sur « les Lapins de Ravensbrûck ». On prend conscience des conséquences du fait d'avoir faim.
de façon plus anecdotique, on apprend le comportement lâche et tourmenté de Hans Fallada qui ne veut pas quitter l'Allemagne et concède un avant-propos honteux aux nazis pour son livre le roman du prisonnier ; Thomas Wolfe s'amuse et s'alcoolise tant en Allemagne qu'il ne s'aperçoit pas de la situation du pays.
On pense à certaines femmes d'aujourd'hui qui sont contre l'avortement, et au rôle qu'assignait Hitler aux femmes, privées de leur emploi, de s'inscrire à l'Université, de suivre un programme scolaire nourrissant. On pense à ce que font subir les Talibans aux femmes.
La construction du livre est intéressante : de longues parties sont consacrées à Mildred, de plus courtes à l'enfant, un jeune Américain qui servait de courrier entre Mildred et son père. Quelle responsabilité donnait-on à ce garçonnet qui maîtrisait sa fonction. Ces pages consacrées à l'enfant apportent un peu de fraîcheur. Quelques fragments d'interrogatoires sont donnés à lire. Un petit nombre de photos illustrent le texte. Les chapitres sont constitués comme des rapports, sans doute pour éviter tout pathos, relatant différents points, et qui résonnent comme des appels à rester toujours vigilants.
Des pièces manquent encore dans les archives. le dossier de Mildred est toujours classé.
On salue le courage de tous ces résistants.
