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Critique de BazaR


Je me suis enfin décidé à aborder la montagne Dostoïevski par la face « roman court » du Joueur, que m'avait conseillé Nastasia-B. Je ne suis pas dans mon élément naturel là. Attendez-vous donc à du très subjectif.

Je suis avant tout très mitigé face à ce que j'ai lu. La qualité d'écriture ou de traduction (très moderne, celle de l'édition Babel) n'est pas en cause ; c'est simplement assez éloigné de ce qui me fait résonner comme un diapason.
La première partie m'a présenté un ensemble de personnages qui m'ont carrément donné la nausée. Pas un pour rattraper l'autre. Derrière des façades d'hommes et de femmes du beau monde européen en villégiature sur la riviera du Rhin, se dévoilent des sentiments d'envie, d'âpreté au gain, de cruauté. Quelques-uns attendent impatiemment qu'une certaine riche grand-mère crève pour pouvoir toucher l'héritage ; d'autres jouent des jeux de chat et souris autour de l'amour qu'ils prétendent éprouver ou ne pas éprouver et manipulent cruellement ceux qui se jettent à leurs genoux.
Bref, beurk !

Puis l'arrivée de la fameuse grand-mère bien trop en forme va faire exploser les petits compromis de cette bande pas très fréquentable (que je n'aimerais en tout cas pas fréquenter). A ce moment, le soleil et la joie pénètrent dans le roman. Ce coffre-fort sur roues qui n'a pas la langue dans sa poche m'a énormément plu. Elle m'a tellement fait rigoler, cette grand-mère. Quel plaisir ai-je donc éprouvé à voir toute la petite bande de coucous s'étrangler de dépit ou de fureur face aux propos et aux actes de cette force de la nature.

Et puis les nuages sont revenus. Quelques personnages deviennent complètement accroc au casino et perdent ou gagnent des sommes indécentes à la roulette. Ils en oublient tout ce qui comptait pour eux jusqu'à présent, leurs buts, leur amour-propre même s'effacent devant la bille qui hésite entre rouge et noir. Hésite-t-elle vraiment ? le hasard ne la guide pas pourtant, c'est la volonté du Deus ex machina, de l'auteur, qui choisit « pair » ou « manque ». Dostoïevski impose le mouvement de la bille pour amener ses personnages là où il veut. Il contrôle le jeu et le scénario.

Dostoïevski nous fait lire les carnets d'Alexeï et en reste donc à un niveau de pénétration minimale des personnages. A aucun moment nous n'avons accès à la psychologie profonde qui les fait agir. On en est réduit aux suppositions, aux étonnements, comme Alexeï. Polina était-elle prise d'une passion pour Alexeï ? L'auteur de la postface du roman le prétend. Moi, franchement, je n'ai vu aucune passion amoureuse dans cette histoire. Des palabres, oui ; des comportements bizarres ; mais les émotions ne sont jamais exprimées avec sincérité (sauf la grand-mère, bénie soit-elle). le comportement d'Alexeï avec « Mlle Blanche » qui s'accoquine avec tout mâle disposant d'un peu de fric m'a sidéré et déçu, celui du général qui poursuit Mlle Blanche aussi.

Enfin, j'ai apprécié que le roman laisse deviner l'opinion de Dostoïevski sur les habitants des divers pays d'Europe. C'est tranché, cliché, plus en négatif qu'en positif. On comprend vite qu'il ne tient pas les Français dans son coeur (« La France, pays de Racine et de la beauté reçue en héritage, devenue creuse, involontaire » dit le traducteur à la fin du roman). Souvenir de Napoléon ? Allez savoir. Mais c'est surtout sur les Russes qu'il se lâche. Il aime sa patrie. Il donne à ces personnages russes comme un sentiment d'infériorité exacerbé vis-à-vis des occidentaux, qui les fait parfois déclamer avec une passion blessante. Ce sentiment, j'ai l'impression qu'il existe encore de nos jours.

Je ne sais pas si je poursuivrai la découverte de l'oeuvre de Dostoïevski. Pas dans l'immédiat en tout cas. Dumas, Scott, Brontë et Austen font la queue pour que je les lise.
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