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Critique de Melpomene125


Dostoïevski mêle avec talent roman, philosophie, politique et réflexions métaphysiques. Les Démons, dont le titre initial choisi par le traducteur était Les Possédés, est un roman puissant. Certains personnages font preuve d'une noirceur troublante. Piotr Stépanovitch Verkhovenski est à la tête d'une cellule révolutionnaire nihiliste et harcèle Nicolas Stavroguine afin qu'il en devienne le chef. Celui-ci refuse. Tourmenté, il a causé de nombreux esclandres qui ont fait douter de sa santé mentale. Ce thème de la folie était déjà présent dans Crime et Châtiment à travers le personnage de Raskolnikov, étudiant féru de théories politiques sur les grands hommes, qui en vient à tuer une vieille usurière. Il est persuadé d'agir pour le Bien de l'humanité.
Avec Les Démons, Dostoïevski approfondit ce thème de l'homme intelligent que l'idéologie rend fou quand elle devient extrémiste. Il lui donne plus de force et de violence. Verkhovenski est un criminel froid, calculateur, implacable, redoutable et sans pitié. Son pouvoir de nuisance est effrayant. Il n'a rien à voir avec Raskolnikov, étudiant sympathique et compatissant, malgré son arrogance. Verkhovenski commandite l'assassinat d'un membre de sa cellule révolutionnaire, Chatov, car ce dernier veut les quitter et pourrait les dénoncer, provoquant ainsi leur arrestation. Chatov ne partage plus les idées extrémistes de ses camarades qui prônent le terrorisme, la destruction radicale des structures sociales. Touché par le retour de sa femme enceinte, qui vient accoucher chez lui après avoir été séduite et abandonnée par Nicolas Stavroguine, il n'est pas vigilant et se laisse piéger. Dostoïevski s'est inspiré de l'actualité : Netchaïev, chef d'une organisation révolutionnaire, avait assassiné, avec quatre complices, l'étudiant Ivanov, soupçonné d'avoir voulu dénoncer l'organisation à la police.

Ce livre sur, entre autres, l'activité d'une cellule terroriste et la folie idéologique de ses membres m'a fait réfléchir à notre époque, même si le contexte est différent. le terrorisme et les attentats perpétrés par des étudiants dans la société russe des années 1860 étaient dirigés contre le pouvoir absolu du tsar. Néanmoins, la description de cette violence est intemporelle. Dostoïevski a lui-même côtoyé ces étudiants, en a fait partie dans sa jeunesse, au point d'être arrêté, envoyé au bagne et croire qu'il allait être condamné à mort. Les tourments des personnages sur le bien, le mal, la violence politique sont sans doute le reflet de ceux de l'écrivain.

Les Démons est une oeuvre forte qui garde encore aujourd'hui une part de mystère et est source de débats, notamment autour d'un chapitre censuré par l'éditeur d'origine « Chez Tikhone ». Stavroguine s'y confesse à l'évêque Tikhone, il lui explique l'origine des démons qui le hantent : il a abusé d'une fille d'une dizaine d'années pour se distraire et elle s'est ensuite suicidée, elle s'est pendue dans le grenier pour échapper au poids de la honte. Ce drame, qui aide à mieux comprendre le comportement perturbé de Stavroguine, avait été effacé des premières éditions car il avait été jugé trop choquant. Dostoïevski s'était-il inspiré d'une réalité dont il avait été le témoin comme pour la cellule terroriste ? Il laisse en tout cas une oeuvre et des personnages riches et complexes.
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