Je pensais parfois que la lecture tenait en effet davantage de la malédiction que de la bénédiction. Elle m’avait offert un aperçu de ma misérable condition sans son remède. Elle ouvrit mes yeux sur un horrible gouffre sans l’échelle permettant d’en sortir. Aux heures de grande souffrance j’enviais à mes compagnons d’esclavage leur hébétude. J’ai souvent souhaité d’être une bête. Je préférais la condition du plus vil reptile à la mienne. Tout, n’importe quoi, pour ne plus penser !
Si tu donnes le doigt à un nègre, il te prendra le bras. Un nègre ne doit savoir qu'une chose, obéir à son maître - faire ce qu'on lui dit de faire. Le savoir gâterait le meilleur nègre du monde. Or si tu enseignes à ce nègre (en parlant de moi) à lire, il n'y aura plus moyen de le tenir. Cela le rendra à jamais inapte à l'esclavage. Il deviendra aussitôt incontrôlable et sans valeur pour son maître. Quand à lui, cela ne lui servira à rien, mais lui fera grand tord. Cela le rendra insatisfait et malheureux.