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Critique de Joseph_M


Un livre dont le sujet aurait pu être intéressant.

Le journaliste (Télérama Libération) s'est très certainement intéressé marginalement à la vie de Grothendieck et on y apprend quelques anecdotes sur ce dernier. Mais quelque chose d'amer vous reste dans la gorge à la fin de la lecture ce roman de moeurs.

Dissimulé derrière une critique du régime de Vichy et du système administratif “déshumanisant”, se dessine sournoisement un inébranlable mépris de la France à grand coup d'auto-culpabilisation pavlovienne. Grothendieck, le fils de marxistes révolutionnaires, l'homme libre, à qui les méchants Français refusent tout. Il est vrai qu'après avoir été admis à l'école française, étudié à l'université française, puis enseigné à l'université française dans des conditions de liberté totale (passage à l'IEHS) pour enfin s'assurer une place au Collège de France, le tout sans aucune espèce de ressources d'une quelconque nature, la conclusion appropriée consiste en effet à admettre de manière unilatérale que la France a cruellement manqué à son devoir d'accueil, et qu'il aurait été préférable de demander asile en Corée du Nord ou au Libéria.

Une aubaine aussi pour le journaliste que le père de Grothendieck ait été déporté. Qui plus est depuis la France. Plusieurs chapitres peuvent donc être consacrés, en toute légitimité, au traditionnel “rappel historique” digne de tout bon article des quotidiens sus-cités. le chapitre “Le convoi n°19, une horreur française” (qui fait écho au tristement célèbre numéro de Libération “Antisémitisme, une histoire française“) raconte dans le détail l'envoi en camp de concentration du père. Père que Grothendieck n'a d'ailleurs jamais vraiment connu, ce dernier ayant été abandonné à son plus jeune âge. le journaliste prend le lecteur pour son auditoire habituel: un troupeau à rééduquer matin, midi et soir. le vice est poussé jusqu'à rappeler, à propos de l'expression “l'école de mathématiques françaises” (qui désigne avant tout un ensemble de chercheurs français et d'institutions françaises) que les mathématiques n'ont rien de françaises et qu'elles sont universelles. Pourquoi d'ailleurs ne pas remplacer les très inintéressants détails sur les démêlés administratifs qu'a connu Grothendieck pour obtenir sa nationalité française par un chapitre sur “l'école de mathématiques aborigènes” ou “l'école de mathématiques massaïs” afin de bien rappeler le caractère universel de cette discipline d'exception?

Après 4 années à étudier un sur-homme, un pur produit de l'exceptionnel Europe, 4 années à côtoyer des mathématiciens de génie, il devient, on l'imagine aisément, difficile de continuer à s'assurer et à pérorer que l'intelligence est une matière qui obéirait au très fantasque axiome de répartition équitable. D'autant que Grothendieck n'est pas vraiment né dans une famille bourgeoise: l'argument socio-économique devient dès lors tout à fait caduque. Mais le journaliste de Libération trouve néanmoins une parade pour rester dans le camp du Bien qui en serait comique si cela n'impliquait pas tant de complications pour notre futur: Grothendieck, Européen blanc, fruit d'un russe et d'une allemande devient… un “migrant” (sic). Les derniers mots de ce long article vendu en format livre parlent d'eux-mêmes: “Une vingtaine de réfugiés irakiens, syriens ou nés dans la corne de l'Afrique ont été accueillis rue d'Ulm, à l'Ecole normale supérieure, afin de reprendre leurs études interrompues par la guerre, la faim ou la misère. Et il se murmure que parmi eux se trouverait un mathématicien hors norme, un enfant venu d'Alexandrie, de la trempe de ceux qui pourront un jour donner vie aux gribouillis de l'ermite de Lassere. Un nouveau Grothendieck surgira bien un jour.” Joli fable certes mais raisonnons un moment sur le concept “d'études de mathématiques supérieures dans la corne de l'Afrique interrompues par la misère” et visualisons ces messianiques Somaliens étudiant les mathématiques de haut niveau, la physique quantique et la philosophie nietzschéenne, avant d'être interrompues dans leur élan créateur par “La Misère”…

Malgré une référence (page 243) aux attentats du Bataclan en 2015 (Oussama Atar, Salah-Eddine Gourmat, Sammy Djedou, Salim Benghalem, Bilal Hadfi, Ammar Ramadan Mansour Mohamad al Sabaawi, Mohammad al Mahmod, Brahim Abdeslam, Chakib Akrouh, Abdelhamid Abaaoud, Foued Mohamed-Aggad, Ismaël Omar Mostefaï, Samy Amimour; pour information ce ne sont pas le nom des victimes), le journaliste nous rappelle, au cas où ce ne serait pas clair, que l'immigration reste une chance pour la France.

Le gauchisme est définitivement une maladie mentale qui vous suit partout et ne se soigne pas si facilement.
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