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Critique de enjie77


C'est à la suite du documentaire sur l'opération « Meuble » ou « M », diffusée sur la 5 au mois de mai 2021 – (merci Pecosa) – que j'ai découvert ces trois annexes du camp de Drancy.

Dans ces trois camps d'internement racial, huit cents internés dits « demi-juif » ou « juif conjoint d'aryen » devaient effectuer le tri de tous les objets pillés par les nazis dans les appartements juifs, écrémés du sol au plafond, avant que les caisses ne soient envoyées en Allemagne. Si aucune preuve de la création d'un statut « particulier » ne fut retrouvée quant aux lois antisémites du régime de Vichy sur les conjoints d'aryens ou demi-juifs, les autorités allemandes, elles, s'y sont particulièrement appliquées, dont la Sipo-SD, obsédées par l'organisation des races dans la doctrine du national-socialisme.

La Shoah sévissait en plein coeur de Paris à l'insu des parisiens qui ignoraient totalement l'existence de ces ateliers. Ces camps sont issus de la convergence de plusieurs administrations, très intéressées par la spoliation des biens mais aussi par une main d'oeuvre bon marché appelée à disparaitre avec la Solution Finale. La Dienststelle Westen sous la direction de Kurt von Behr fut très efficace et des accords quant aux objets d'art furent passés avec Alfred Rosenberg, ministre des territoires de l'Est occupés, initiateur de la solution finale et grand responsable des biens et oeuvres confisquées. Un immense prédateur en un mot !

Ces camps existèrent de juillet 1943 à août 1944. Lévitan dans l'immeuble des magasins Lévitan, au 85, 87, rue du faubourg Saint-Martin, Bassano au 2, rue Bassano dans l'hôtel particulier de la famille Cahen-d'Anvers et Austerlitz qui se situait au niveau des magasins généraux. Et pour la passante parisienne que j'ai été, cela fait froid dans le dos, je n'aurais jamais pu imaginer que je passais devant un camp parisien.

C'est une enquête très minutieuse et qui a pris beaucoup de temps, pas toujours évident d'accéder aux Archives quand celles-ci n'ont pas disparu. Elle est extrêmement documentée, avec nombre de témoignages et d'images que nous proposent les deux auteurs. Les témoignages des rescapés sont édifiants et à travers la description de leur quotidien, on ressent bien que leur situation évoluait entre abri et arbitraire et privations de libertés. Il se dégage une sensation d'étouffement, de peur, à la merci d'un gardien. Ces camps sont insuffisamment traités par les historiens et font plutôt l'objet d'un silence mémoriel et historique. Cet ouvrage vient compléter intelligemment l'Histoire de la Shoah et met en évidence l'existence de ces « presque-camps ».

Cette organisation implacable suscite beaucoup de questions quant aux aides venues de l'extérieur, la mise en place des déménagements, la connaissance des adresses, mais je vous laisse le soin de découvrir ce récit très enrichissant.

« Au-delà des instruments de musique ou des oeuvres d'art, d'ailleurs d'importance mineure, le tri concernait le plus souvent le tout-venant. Les caisses apportées par les camions témoignaient des vies subitement interrompues des occupants des appartements : assiettes de bouillie entamées, reste de nourriture, courriers inachevés ….Elles contenaient aussi bien des objets d'apparat que les traces d'une vie intime, les verres en cristal et les belles étoffes comme les cahiers d'écolier ou les photos de famille. Il arriva même que des « trieurs » tombent sur des objets leur appartenant ou appartenant à leur famille ».

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