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Critique de PhilippeCastellain


Une plongée dans l'un des grands esprits de la littérature, et dans les arcanes et les collaborations en France occupée. le testament de l'écrivain talentueux, ami des surréalistes et membre du Dada, qui serra la main d'Hitler et dirigea la principale revue collaborationniste, mais aussi protégea Aragon, Paulhan et Malraux de la Gestapo… Et finit par se suicider dans sa cuisine à la Libération.

Constant, un ancien légionnaire ayant roulé sa bosse d'un bout à l'autre du monde, est recruté par Susini, un gros bonnet du marché noir. Il l'envoie dans une maison au fin fond des marais, sur la côte. Sa mission : surveiller un dépôt d'arme sur lequel son patron a réussi à mettre la main… Gaullistes, communistes et collaborationnistes essayent de mettre la main dessus. Chaque groupe a son chef, qui gravite autours de la maison gardée par Constant. Ce dernier les met tous dans le même sac : pour lui les gaullistes travaillent pour les Américains, les communistes pour les Russes, les collaborationnistes pour les Allemands. Il y a aussi un petit groupe de jeunes dans une école de cadre, qui prétendent n'être au service de la France et que de la France. Mais ce sont eux que Constant trouve les plus ridicules…

C'est grinçant, ironique, sarcastique… Et un peu pitoyable. On réalise que ce n'est pas d'hier que certains ont commencé à utiliser le ‘tous pourris' pour justifier leurs sympathies sulfureuses ou leur flemme de s'engager. On reste aussi confondu par la lucidité et la justesse de certains constats de Drieu, suivis de paragraphes d'une mauvaise fois énormissime. Pour lui, qui a pourtant tiré certains de ses amis d'internement, peu importe ce qu'est le nazisme. Un occupant reste un occupant. Ce à quoi il aspire, mais il croit cette époque révolue, c'est à une France souveraine et dégagée d'influences. On ne peut pas lui donner entièrement tort – on sait bien que les Américains avaient prévu d'affubler la France d'un régime fantoche dirigé par l'amiral Darlan, bras droit de Pétain. Mais de Gaulle manoeuvrait, et la résistance (royaliste) assassina Darlan.

Le plus bizarre dans tout cela c'est que les Allemands sont loin, très loin. C'est une vague menace qui plane en permanence, mais tout se règle entre Français. Et dans ce combat Drieu prophétise que c'est le petit bourgeois provincial, qui représente le gaullisme, qui finira par l'emporter. Parce que c'est la nature profonde de la France. La France est fondamentalement, intrinsèquement, un pays de petits bourgeois provinciaux ; c'est sa conclusion. Bien sûr, ironie suprême, un bombardement anglais rasera l'usine de son représentant local…

Drieu apparait ici comme un homme fatigué, émotionnellement vidé, lassé de son époque et se réfugiant dans la spiritualité orientale. Il n'a plus le courage ou l'envie de prendre franchement un parti ou un autre. Son antisémitisme s'accommodant très bien du nazisme et son mépris de la bourgeoisie du communisme, sa lucidité l'amenant à prévoir la victoire finale du gaullisme, il se laisse porter par la vague sans plus se soucier du monde qui l'entoure. La seule chose qui lui importe encore est le destin de la France ; celui des individus – lui comprit – il s'en désintéresse.
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