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Critique de ALDAMO21


Je ne pensais pas en ouvrant ce livre, qu'il allait avoir autant de résonance en moi et que j'allais vivre cette histoire.
Pourtant, quelques autrices avaient déjà traité ce sujet encore très tabou aujourd'hui, sur l‘inceste, sur la déstructuration des êtres et sur leur difficile reconstruction.
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« Désabîmez-moi » n'est pas un roman comme les autres. Il est à la fois un chuchotis, un murmure, une confidence, une prière et un énorme cri libérateur de femme. Il est un témoignage profond, il est une fiction ou bien les deux. Il est ce que la vie a de plus ignoble à offrir à un enfant.
Et c'est avec ce tout, si puissant, que je me suis laissé complètement envahir par mes émotions, par cette histoire terrible, secrète, inavouable, cruelle, déstabilisante parfois.
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Et c'est « à fleur de peau » que j'ai suivi frissonnant, l'histoire d'Emmanuelle, cette petite fille que son papa a plongée très vite et beaucoup trop tôt dans la souffrance, dans la douleur de la solitude, dans ce qu'elle croit être une punition, dans l'incompréhension et surtout dans sa culpabilité de petite fille.
Comme j'aurais voulu l'éloigner des infamies, des souillures, des vomissures. Comme j'aurais voulu la protéger de ce genre dans lequel je ne me reconnais pas et refuse de me reconnaître.


Comment se reconstruire ? Comment se restructurer ? Comment se « désabîmer » après avoir vécu l'immonde, le deuil, l'absence, le manque d'amour paternel, le silence et la perte de son innocence ?
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J'ai aussi accompagné le coeur serré ou plutôt j'ai assisté impuissant, à la descente en enfer d'Emmanuelle. Celle qui deviendra cette jeune fille confrontée à sa douloureuse addiction sexuelle.
Et là chapeau bas ! Car l'auteure a su expliquer, avec grand talent, avec beaucoup de justesse et sans pathos, tous les traumas et toutes les angoisses qui conduisent inéluctablement à ce sérieux trouble de la sexualité et à cette dépendance destructrice.

Emmanuelle Drouet nous a aussi éclairé avec des mots simples, pudiques et d'une grande efficacité, sur ce que fut « le sexe en surdose » pour une jeune fille de dix-neuf ans, dans une totale soumission, cherchant à combler le vide abyssal qui était creusé en elle.
Il faut tout de même, être dans une totale et immense détresse que d'accepter de se faire traiter de « salope » par la société entière, de peur qu'elle vous confine à une « Rien du tout ».
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Patrick Louis Richard écrivait : « Personne ne sait rebondir entre deux eaux, il faut toucher le fond pour cela. ».
Cette phrase résume bien la fin de ce roman. Qu'il existe toujours quelque part quelqu'un, auréolé de lumière, qui vous attend pour vous tendre la main. Il suffit parfois écouter son coeur.

La lettre d'amour écrite pour Elvira est magnifique. Avec ces mots : « Je n'étais plus là pour toi, car je n'étais déjà plus là pour moi. »
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Malgré ses thèmes sensibles, ce récit n'est pas aussi sombre et aussi morbide que je vous le laisse peut-être croire, amis.es lectrices et lecteurs.

Le roman d'Emmanuelle Drouet est écrit avec une grande maîtrise de son sujet et de sa narration. le portrait psychologique, par touches très fines et précises du personnage central, est renversant.
L'auteure a su par sa belle plume, trouver des mots délicats, presque poétiques. Pas de descriptions crues ou gore, car beaucoup de choses sont suggérées.

Emmanuelle Drouet se paie même le luxe de glisser des jeux de mots et de mettre un petit ton sarcastique.
Le roman en devient encore plus vibrant et lumineux. Et c'est vrai comme l'ont écrit certaines lectrices, qu'il s'en dégage de la sensualité.

Un livre dont je ne m'en sors pas indemne. Il m'a interrogé aussi sur le monde des adultes, sur son immaturité. Sur les désirs parfois malsains des hommes, sur les actes irresponsables d'un père et sur l'inconscience de certains de ses gestes et de leurs fulgurants impacts.
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Un grand merci à l'auteure Delphine Muse et son éditeur, qui ont aiguisé ma curiosité de découvrir Emmanuelle Drouet.
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