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Critique de EvlyneLeraut


« Jumeau Jumelle » lorsque l'intimité d'un texte devient subrepticement l'horizon en front de mer. Ce livre sait tout de la moindre empreinte sur le sable. La marée-basse qui réinvente la vie. le murmure des vagues qui sait tout de l'amour. Celle d'une fratrie, d'une soeur et d'un frère jumeau-jumelle. L'osmose de la connivence. La complicité des matins calmes. L'enfance comme du linge frais claquant au vent.
Grandir ensemble, s'émanciper et vaincre les nuits ivres d'éclats de rire sous les draps.
Ce serait cela le versant sud de ce livre bleu-nuit.
Mais la maladie frappe sur les pages de ce livre vital et ses fécondités salvatrices. Marisol Drouin a « repris son livre tant de fois », jusqu'à l'épure, le dernier souffle. le lien familial qui résiste à la finitude, à l'après. Elle écrit l'incommensurable. le cancer tarentule qui dévore ses proies. le sien, comme une étape à sa métamorphose. Au cri sombre dans les nuits qui n'en finissent pas. Écrire son frère, comme l'être touché en plein coeur. « Mon frère a toujours eu la santé fragile. Mon corps solide, tendu, musclé. Celui de mon frère long et frêle. Je n'ai aucun souvenir d'enfance sans mon frère ».
Son double gémellaire, siamois des jeux, des confidences, du lait bu le matin en diapason. La gloire d'une gestuelle commune. « Mon frère était une personne résiliente, calme et mesurée. Je suis bouillante, impulsive, révoltée ».
Marisol Drouin lâche ses mots. Les révélations comme du papier cadeau le soir de noël. Ne rien céder au silence. Détourner l'injustice, et étreindre ce petit frère liane, happé par la maladie, un cancer du cerveau.
Elle, convalescente et en rémission. Comprendre le corps qui cède. Les armures d'une enfance sereine, fissurées immanquablement. Porcelaine qui se fracasse sur le sol d'une maisonnée. « Le temps du livre. le temps de la maladie. Ce qui sera, après. le livre. La maladie ».
« Jumeau Jumelle", un viatique de survivance. Subvertir les faiblesses d'un corps qui s'abandonne, encore un peu, pour demain le point final. « Abandonnée au moment où j'aurais voulu que tout tienne ». La mort en bandeau noir sur le livre. Résister par l'écriture. le jugement dernier comme un sourire en plein vol de pardon. Elle, qui lui survivra. Ce frère abîme, l'ami la fusion. La plume front pâle et les mains qui se figent.
Marisol Drouin est d'acuité. L'éminente trame qui pourvoit au repentir. Latitudes et architectures, le jumeau en filigrane, le grain de lumière dans le désert devenu.
« Que je ne sois pas seule dès l'origine du monde. Que mon frère soit à mes côtés dans le ventre de ma mère ».
Merveilleux livre tremblant de pluie, de plénitude, de battements de coeur. Lire cette chapelle entre la coquille et le nid, matrice rédemptrice où tout peut advenir encore : la guérison. Serait-ce possible que le voeu d'écriture change la donne et accorde une seconde chance face à l'adversité ?
Ce livre m'a fait pleurer et pour cause. Mais ici, deux enfants carillonnent et déposent leur couronne de roi et de reine. « Jumeau jumelle », le regain des survivances. Un havre d'amour indestructible. La séparation comme une douleur infinie. L'écriture qui exauce « la honte d'être encore vivante ». « Jumeau Jumelle » garder le son de la voix, la tonalité qui berce ces pages qui formulent l'alphabet où tout recommencera, autrement.
Un éloge de lumière.
Marisol Drouin après un récit « Je ne sais pas penser ma mort » (2017), ainsi qu'un recueil de poésie , « Lola et les filles à vendre » (2020), « Jumeau jumelle » est la consécration, l'oeuvre solstice. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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