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Critique de Renatan


« Si on avait une perception infaillible de ce qu'on est, on aurait tout juste encore le courage de se coucher, mais certainement pas celui de se lever. » -
É.-M. Cioran

Paul Ackerman se lève chaque jour à midi. Il est marié, il a trois enfants et est propriétaire d'une maison avec piscine. Il n'a pas de travail, pas d'horaire, pas d'amis, pas de contraintes. Même la compagnie d'assurances ne l'assure plus… ni pour la voiture, ni pour la maison, ni pour les enfants… Tous les matins je me lève est le titre de son nouveau roman qui a du mal à voir le jour. Pas étonnant, Paul Ackerman est l'écrivain en syndrome permanent de la page blanche. Sa femme le trouve lâche. Elle ne lui adresse même plus la parole.

« J'étais sans doute l'un des trois quatre types les plus malheureux du monde. »

Amateur fou de bagnoles, il pleure comme un enfant sur ses voitures « mortes » plus que sur sa propre vie. En proie à une profonde détresse, il retourne voir « son ex » à la ferraille comme d'autres vont pleurer sur la tombe d'un proche. Avant de repartir chez lui avec le signe chromé de sa Karmann serré entre ses mains. Un objet gardé précieusement telle une relique coulée dans l'or des sentiments les plus forts. Pour le meilleur et pour le pire…

« Maintenant, j'étais à quatre pattes au chevet de la Karmann. Elle ne respirait plus. Elle avait les phares tournés vers le ciel. C'était fini. Elle avait été tuée sur le coup. Je m'accrochais à son aile, j'étais à genoux et je m'accrochais. Je m'en voulais d'être vivant. »

En fait, Paul Ackerman vit la nuit où il joue comme poste arrière dans la ligue nationale de rugby. Une vieille obsession qu'il nourrit depuis toujours de se mesurer aux Anglais : « Ackerman, grouillez-vous, le titulaire s'est claqué, on a besoin de vous pour claquer les Anglais ». La nuit, il lui arrive même de rêver qu'il vole et de se réveiller ému aux larmes. Il y a de ces rêves parfois qui change ainsi votre vie…

Moi, je l'aime bien Ackerman! Son histoire en est une d'humanité. Il vit à l'extérieur du monde où les jours défilent dans une sorte d'écoeurement nauséeux. Pour donner un sens à sa vie, il prend parfois de grandes décisions existentielles, comme celle de se laisser pousser la moustache (!). Si la succession de petits rien qui constitue son quotidien ne suffit pas à le rendre parfaitement heureux, elle aura le mérite de lui offrir au passage de brefs instants de bonheur. Comme cette fois où il se sera arrêté au bord d'une falaise pour admirer le coucher de soleil sur la mer en mangeant des haricots en boîte. Et boire un grand verre de lait froid. Car Paul Ackerman est accro au lait, il s'y accroche comme à une bouée de sauvetage. le liquide froid glisse dans sa gorge, seulement alors il a l'impression d'exister…

« Je ne vaux pas grand-chose et je ne crois en rien. Et pourtant, tous les matins je me lève »

J'ai découvert ce petit roman à travers un article du journal La Presse où James Hyndman le citait comme « le livre le plus souvent donné en cadeau ». C'est en le refermant sur la dernière page qu'on comprend la teneur de ces mots. Les chapitres défilent avec ironie et sarcasme, certains passages sont à mourir de rire! Paul Ackerman a le sens aiguisé de l'autodérision, ce livre est un vrai rayon de soleil. Les jours passent et se ressemblent. Mais ils ont le mérite de nous ressembler…

Un p'tit verre de lait avec ça?

« Un jour on se lève et on fout tout en l'air pour repartir à zéro. »…
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