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Critique de zenzibar


Gorgio de Chirico a peint en 1916 un portrait d'Apollinaire « prémonitoire », avec une cible sur le front, précisément là où un jour de mars 1916, dans l'apocalyptique bataille de Verdun, le poète subit une terrible blessure.

Anne Dufourmantelle écrivit en 2011 cet « Eloge du risque » et quitta sa vie terrestre en 2017 dans les flots de la Méditerranée pour sauver deux enfants de la noyade.

Difficile de ne pas relever la cruauté dans cette tragique destinée, ô combien imméritée, qui nous prive d'un esprit bienfaisant et d'un style rare, d'une densité facétieuse ; des invitations pour l'esprit à fréquenter, à hanter au fil de ces pages des univers parallèles.

Il y a déjà des très belles critiques, Krout, Bernie…

Je laisserai la place aux mots d'Anne Dufourmantelle, l'émotion la plus vibrante, la plus chevillée à la vie.

« Au risque de l'inconnu

Au risque d'inviter une femme à danser un rock et lui chuchoter : « fermez les yeux »
Au risque de partir en voiture pour aller dîner en ville et finir à Rome, le lendemain après avoir roulé toute la nuit, parce qu'on a changé d'idée.
Au risque de voir votre homme pour la cinquantième fois décliner l'offre du petit vendeur de roses (fripées) pakistanais, et lui acheter toute la brassée pour l'offrir à tous ceux qui sont là dans la salle.
Au risque des nuits blanches.
Au risque d'écrire à un(e) presque inconnu(e) une lettre d'amour à partir d'un presque rien qui vous aura traversé dans une fulgurance inconnue de vous jusqu'alors.
Au risque de ne pas cesser de faire l'amour.
Au risque de prier sans le secours d'aucun Dieu, ou même avec.
Au risque de l'amitié cachée, folle, éperdue, infinie. Pire qu'un amour.
Au risque de l'ennui, et aimer cet ennui sans secours.
Au risque de marcher seul dans une ville et attendre que survienne, à cet instant, le sens de toute une vie ; savoir que demain tout disparaîtra.
Au risque d'écouter la Passion selon Saint Matthieu de Bach en boucle.
Au risque de prendre sur soi la responsabilité dévolue à un autre, tout sauf un principe de précaution.
Au risque de ramasser sur la plage des petits cailloux de verre dépolis par la mer et les disperser ensuite le soir.
Au risque d‘un communisme de pensée.
Au risque de la joie. »

(p. 115 et 116)
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