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Critique de JIEMDE


« J'évolue dans un monde totalement suranné, celui de la présidence. Il ne manque pas de charme pour autant. Tout y est organisé pour nous rappeler le passé, le cultiver, probablement parce que c'est là, plus que dans l'avenir, que se forge le peu de sacré qui reste attaché à ma fonction. »

Il est malin, le Marc Dugain, d'avoir flairé et anticipé la meilleure date possible pour la sortie de Tsunami, son roman de politique fiction (?) où il se met dans la peau de ce président fraîchement élu aux élections de 2027.

Parce que vous l'aurez compris, « toute ressemblance nanani, nananère… » mise à part, on ne peut pas être davantage dans l'actualité que dans cette courte prose écrite à l'encre du réalisme, du cynisme ou du dégoût (chacun chosira sa mention adéquate).

On passera sur l'histoire de ce président qui a fait fortune via une start-up devenue licorne ayant inventé la molécule qui rallonge l'existence de 30% puis la cédant sans scrupule à l'étranger - contre une promesse de favoritisme en faveur des GAFAM – pour mieux se lancer en politique avec une accession fulgurante à la responsabilité suprême.

On passera parce que Dugain a choisi de s'amuser et de lui charger la barque : cocaïnomane, détenteur de comptes offshore, géniteur par PMA, mari délaissé… Sans oublier le complot russe, l'assassinat d'une députée, la manif populaire qui dérape, le conseiller technique vendu aux Chinois. La coupe est (trop) pleine et de ce point de vue, on a connu Dugain en meilleure forme. Mais pas grave, car l'essentiel est ailleurs.

Le sel perfide – mais délectable - qui assaisonne Tsunami vient en effet des fulgurances distillées ci-et-là par l'auteur sur cet exercice du pouvoir qui se veut moderne mais ne peut cacher longtemps qu'il obéit en fait à des mécanismes d'un autre temps, que l'exercice de vérité ne masque en fait que des mensonges désormais plus tolérables.

« En général, notre socialisation se fait sur un niveau de mensonge acceptable entre les individus. On n'est pas qualifié de menteur quand on ment normalement, mais lorsque l'on ment de façon éhontée et excessive. »

Fulgurances aussi sur notre société d'individualisme grandissant, où les régulateurs ancestraux (élections, médias, dialogue, vivre ensemble…) ne fonctionnent plus.

« La psychologie d'une personne se fonde en grande partie sur l'altérité, le rapport et la confrontation physique à l'autre. Les gens s'enferment progressivement derrière leurs écrans. Et l'aboutissement de cela, c'est que quand des gens sont réunis, ils passent plus de temps sur leur téléphone avec des personnes éloignées qu'avec les personnes présentes, comme si dans ces nouveaux rapports humains, on donnait une prime à l'éloignement. »

Bref, le code a changé, mais il n'a pas été communiqué à l'Élysée :

« Ils sont désemparés, pris par un mélange de paresse, ce gras du coeur dénoncé par Jacques Brel, et d'ignorance, cette ignorance qui, cachée derrière le déferlement d'opinions, mine la démocratie comme la mer une falaise. J'ai l'impression de gouverner un peuple de petites choses fragiles. »

Dans Tsunami, Dugain dépeint un président réformiste, visionnaire et bardé de bombinettes prêtes à exploser, mais décidé à prendre à bras le corps l'urgence environnementale en lançant une ambitieuse réforme fiscale verte qui tend à « imposer l'individu en fonction de son impact sur l'environnement. »

Mais en politique comme dans les restaurants, il vaut mieux éviter de regarder dans la cuisine comment certains plats sont préparés. Car alors, c'est tout un tsunami de désillusions qui s'apprête à s'abattre sans retour possible…

« Les forces considérant que la démocratie est une parenthèse de l'Histoire qui doit se refermer le plus vite possible sont en marche. »
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