Extrait du livre audio « Tsunami » de Marc Dugain lu par Mathieu Buscatto. Parution numérique 30 août 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/tsunami-9791035414825/
Au poker, regarder le jeu de son adversaire dans le reflet de la vitre contre laquelle il s'est adossé, on dit que c'est tricher. En politique, c'est anticiper.
Les journalistes sportifs me rendent dingue . Je n'ai jamais vu des gens parler autant , alors qu'ils ont si peu à dire .
Plus un pays est développé moins les voisins se parlent .
car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillard à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancoeur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur.
J'entends de plus en plus mal en vieillissant mais de mieux en mieux les sous-entendus.
La littérature est une merveilleuse errance dans le monde des autres jusqu'à ce qu'on découvre dans ce dédale le monde qui est le sien. Sans cet apprentissage livresque de la vie, on se heurte contre les parois, aveugle jouant à colin-maillard, bras dressé en avant de peur de se blesser.
Joe Kennedy, le père, a élevé ses fils dans la doctrine de la stricte séparation de l’amour et du sexe comme d’autres ont imaginé la séparation de l’Église et de l’État.
Je suis comme beaucoup de gens , pas envie de vivre et encore moins de mourir .
- Je suis venu me rendre.
Elle a rigolé.
- Vous rendre ? Vous êtes pourchassé pour excès de vitesse ?
- Non, pour un double meurtre.
Elle m'a scruté pour voir si j'étais sérieux. On a continué sur le même ton badin.
- Dans notre comté ?
- Non, plus au sud à North Fork, Sierra Nevada, Californie. Vos collègues de Freno doivent être au courant.
- Comment peuvent-ils l'être ?
Elle n'adhérait pas encore à l'affaire.
- Mon père a dû les prévenir. D'ailleurs, il doit être arrivé sur place.
- Très bien, asseyez-vous sur la banquette, je vais les contacter. Tant que je n'ai pas de confirmation, je ne peux pas vous arrêter.
- En attendant je vais aller m'acheter un beignet, je reviens.
J'ai repris mon casque et mes gants et je suis sorti sous le regard médusé de la blonde.
J'ai enfourché la bécane sans précipitation, j'ai démarré et j'ai traversé ce qui restait de l'avenue principale à la vitesse légale. En roulant, je calculais ce que j'étais prêt à payer à la société pour le double meurtre de mes grands-parents : la moyenne des années qu'il leur restait à vivre. Quinze et neuf pour une espérance de vie de quatre-vingt ans, divisés par deux, on obtenait douze ans. Douze ans de bagne, je ressortirais à vingt-sept ans, je trouvais ça correct, mes grands-parents ne valaient pas plus.
Les flics m'ont trouvé en train de siroter un café allongé, un beignet à la main, assis sur les marches d'un entrepôt de bois, à la sortie de la ville.
Les puritains ont tué Dieu qui s’insinuait partout, dans chaque séquoia, dans la caresse du vent dans les feuilles, dans la courbe des herbes, pour lui substituer une imposture où le Christ cloué sur sa croix assiste impuissant à l’exécution de ses valeurs par ceux-là mêmes qui prétendent les incarner.