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Critique de 4bis


Doriane (@Yaena) avait beaucoup aimé ce roman et la chaleur avec laquelle elle nous l'avait recommandé valait bien que je me plonge à mon tour dans les aventures de la famille Chance. En charmante compagnie (Anne-Sophie, Sandrine, Nico et Berni (en léger différé pour ce dernier) dans une parfaite dream team), j'ai donc passé quelques heures à… perfectionner mon base-ball. Ou plus exactement à ne rien comprendre au base-ball, à le regretter d'abord, m'en agacer ensuite et lâcher purement l'affaire pour finir.
Dans les années 60 puis 70, Hugh Chance est l'heureux père de six enfants. Quatre garçons d'abord, parmi lesquels le narrateur, petit dernier de cette équipe masculine et deux filles jumelles ensuite. La passion d'Hugh, que dis-je, sa vie entière, c'est le base-ball. Doué d'un certain talent, d'une grande persévérance et d'une guigne incroyable, il va traverser son existence aimanté par ce sport, se jouant plus ou moins adroitement des obstacles qui se dresseront entre lui et sa pratique. Laura, la mère de cette belle tribu, est aspirée par un autre culte. Depuis toute jeune, et pour des raisons essentielles, elle voue à l'église évangéliste des adventistes un amour inconditionnel. Malgré les aspects dangereusement sectaires de certaines pratiques.
Avec de tels parents, la fratrie grandit entourée de grands idéaux aussi contradictoires qu'impérieux et une grande partie du plaisir de lecture réside dans les scènes de familles, les disputes, farces et estocades entre frangins qui émaillent les pages. Car, non contents d'avoir ces particularités incompatibles comme caractéristiques, la famille Chance cultive également avec soin l'originalité fondamentale de chacun de ses membres. Ajoutez quelques camarades impossibles, de la bière, un service religieux grandiloquent, un goût tout à fait d'époque pour le bouddhisme et l'Inde pour Peter, les meetings enfumés et les décisions idiotes pour Everett, une foi naïve combinée à un solide appétit pour la vie chez Irwin, la guerre du Viêt-Nam, quelques histoires d'amour et vous aurez les principaux ingrédients de ce roman 100% made in USA.
Est-ce que j'ai aimé ? Eh bien, j'ai trouvé ça un peu long et assez sympathique. Mais jamais je n'ai eu l'impression de franchir l'Atlantique. Ce livre, je l'ai lu depuis mon chez moi, incapable de rentrer dans les mentalités, les réactions et les ressentis des personnages tant ils me semblaient relever d'un habitus typiquement yankee. Il y a toutes ces références qui ne me parlent que de très loin, depuis les rares séries et romans américains que j'ai pu regarder et lire, la pop musique et tous ces codes culturels que l'on partage depuis des décennies de soft power. Mais que je relis avec beaucoup plus de distance historique et critique ces derniers temps. Ni le base-ball, ni les road trip ne m'allument des étoiles dans les yeux par principe. J'ai donc lu les frères K en recevant des milliers de petits stimuli destinés à instaurer une complicité culturelle qui ne faisaient, hélas, que rarement tilt.
Sur le fond, ce roman est empreint d'une réflexion philosophique indéniable et met au premier plan la question de la liberté à se gouverner et son rapport avec la foi. Evidemment, aucun lecteur ne peut accepter les bondieuseries adventistes scandaleuses qui obligent Laura et ses enfants à des circonvolutions impossibles. le culte du sport et de l'esprit d'équipe fera un peu plus long feu, pour ceux qui ont, contrairement à moi, les capacités d'y adhérer. Mais quand on a refermé le livre et qu'on cherchera à dégager une morale globale, on trouvera, derrière l'histoire rocambolesque et forte d'une tribu, une philosophie de l'existence qui laisse peu de place à l'en-commun.
La morale de ce roman promeut la famille, les liens resserrés avec ceux qui sont les nôtres, sans espoir qu'un bien commun puisse sauver qui que ce soit. Sans que ni les institutions politiques, ni l'école, ni les différentes instances sportives, culturelles ou cultuelles soient autre chose qu'une source de danger. In fine, le collectif semble défini comme ce qui entrave la fantaisie et la liberté fondamentale de chacun, sans aucun recours possible. Et bon, me laisser bercer par de sympathiques anecdotes racontées sur un ton cocasse mais qui ne me disent pas grand chose et recevoir cette morale en partage, ça ne m'a pas enchantée.
Ca n'empêche que ce roman est très bien construit. La manière dont le narrateur distille les informations, dont les différents lieux où se trouvent les personnages imposent des changements de perspectives ou de type de rédaction rend la lecture agréable et fluide. On sent un grand soin apporté à la construction de chacun des personnages, à la manière de mettre en valeur leurs caractéristiques et le charme de leur personnalité. Et puis surtout, cette lecture aura été l'occasion de nombreux échanges et de jolies discussions philosophiques avec Doriane. Et pour cela au moins, elle en valait vraiment la peine !
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