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Critique de SophianeLaby


Stéphanie Dupays vient d'une famille modeste et taiseuse où règnent les “à quoi bon” et les “c'est comme ça.” Pourtant, elle n'a pas reçu le silence en héritage puisqu'elle a choisi les mots, entre littérature et poésie. Dans son dernier roman, elle explore sa “crypte intérieure”, ce lieu secret où se terrent des douleurs anciennes. “Quelque chose remue au fond de ma poitrine, quelque chose à quoi je peine à donner un nom.”

Persuadée que cette inquiétude d'aujourd'hui vient d'ailleurs, ou plutôt d'avant, Stéphanie interroge ce qui reste de sa famille maternelle : les Décimus. “Une famille restreinte, quelque peu ratatinée” qui porte déjà la tragédie et le malheur dans son nom. Sa grand-mère évoque son carnage intime : ses deux grands frères trop vite disparus, son père décédé d'une crise cardiaque et sa mère morte de chagrin. le coeur brisé, selon l'expression consacrée. Mais Stéphanie tombe sur un registre d'état civil où une date met fin à la légende familiale : Anne Décimus n'est pas morte le coeur brisé. Elle a été internée pendant près de quarante ans dans un hôpital psychiatrique.

Pendant plusieurs années, Stéphanie mène l'enquête pour comprendre ce tremblement en elle, ce mensonge de quatre décennies. Il lui faut beaucoup de patience pour déloger les secrets du passé, beaucoup de temps pour parcourir le temps, beaucoup de silence pour trouver les mots.

Si le récit revêt une dimension historique, retraçant les grandes avancées de la psychiatrie, l'écriture sensible, respectueuse à l'extrême, ne cesse de glisser vers la poésie. Dans les titres des chapitres mais aussi à l'intérieur du texte. “Quand l'émotion déborde de la phrase, je l'attrape dans le vers.” Comme ici lorsqu'elle cherche comment

“Approcher le mystère
sans appuyer
avec la douceur
d'un oiseau laissant l'empreinte de ses pattes
dans la neige”

L'émotion est à son comble lorsque les mots de l'aïeule affleurent au milieu des siens. Des mots oubliés, enfermés, comme un fauve en cage, ici enfin libéré.
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