Citations sur Ballast : Contumace,échancré, le grésil (55)
Je n'écris que toi, dit la ligne absente, la ligne amoureuse, j'attends ton éveil... tu me tires, tu me traces, et tu me brises - tu me plies, tu m'entraves à l'infini... mon corps, mes bonds, ma voix...
... et l'imprécation, la fêlure de la langue, la marche au supplice, la scansion et l'ouverture de mon pas... ce tirant d'eau, ce mouvement de voile, - ce vent de sable, comme une offrande au néant...
Je m'abstrais de toi, je vole au-delà, dit la voix duplice, dit la ligne, la corde maîtresse, dont la vibration s'amplifie, - dit la flamme d'une voix qui ne pourra jamais nous rejoindre...
(extrait de "Fragmes") - p.140
CONTUMACE
Le désœuvrement
Consumé ou en partance
un amour de bruyère, un genou
dans l’humidité
les fougères bordant l’eau
j’ai cueilli tôt le matin
la mirabelle
et donné l’orge aux chevaux
les rêves sont insipides
quand ils dorment seuls
mais il prennent appui sur le corps
sur la forêt, sur la mer
ils ne parlent pas ma langue
ils ahanent, ouvrent des yeux
il tirent
la force, de cette invisible
poussée de poussière
de ma vie détruite
dans la commotion de l’air
le sommeil troué
p.244-245
CONTUMACE
Le désœuvrement
Écrivant rune
comme précipice
écriture
de l’absence
de gouffre
où glisse la loutre empanachée
toi
surveillance de tous les instants
aux frontières
quand les cristaux sont à nu
équidistants
de la rage
et de la famine
l’illusion mesure
l’avancement des travaux
rien qu’une image
qui s’enfonce
dans le glacier
p.52-53
Que les mots fassent souche dans l'air,
à la surface et dans la profondeur de l'air,
qu'ils s'écrivent
qu'ils relancent, qu'ils réactivent
une énergie disloquante
et, contre la blancheur qui les récuse, les aiguise,
contre la douleur dont ils se gorgent,
qu'ils s'écrivent, là encore, obstinément,
sans ébarber le fer, le fil, l'assiduité de la lumière,
- sans étouffer son cri, sans interrompre sa filiation
de poussière sauvage...
(extrait de "Bleu et sans nom") - p.96
le réel, en retour, offre toutes ses faces,
ensemble, à ta seule étreinte fixe,
nulle prise tenue, retenue, mais l'excavation blanche,
la lettre volée, le rapt éclairant,
un chavirement de l'étendue dans la lumière,
seule à répercuter
l'embolie du ciel
à donner l'espace à ce bleu désuni qui s'allège
ce bleu de fonte, béant, de substance musicale,
comme d'un mur de terre et de fleurs
s'écroulant contre nos genoux
et ressurgissant lavé, bleu, et sans nom...
(extrait de "Bleu et sans nom") - p.101
Assumer la détresse de cette nuit pour qu’elle chemine vers son terme et son retournement. Littéralement précipiter le monde dans l’abîme où déjà il se trouve. En chacun se poursuit le combat d’un faux jour qui se succède avec la vraie nuit qui se fortifie. De fausse aurore en fausse aurore, et de leur successif démantèlement par la reconnaissance de leur illusoire clarté, s’approfondit la nuit, et s’ouvre la tranchée de notre chemin dans la nuit. Ce nul embrasement du ciel, reconnaissons sa nécessité comme celle de feux de balise pour évaluer le chemin parcouru et mesurer les chances de la traversée. En effet tous les mots nous abusent. Mais il arrive que la chaîne discontinue de ce qu’ils projettent et de ce qu’ils retiennent, laisse surgir le corps ruisselant et le visage éclairé d’une réalité tout autre que celle qu’on avait poursuivie et piégée dans la nuit.
CONTUMACE
Histoire de la lumière
Simplicité de figure
son mouvement un éclat gris
de silex ou de hanche
la lie
à ma difformité au cycle
conjectural
que la subrogation du feu redresse
élargit restitue
aria de la nuit et de l'accord
par-delà
l'illuviation de la feuille
p.13
CONTUMACE
Histoire de la lumière
Elle
énigme dans la chaleur
renversée elle jaillit
sa lecture
culmine
bat
contre un socle ruisselant
d'inscriptions
par la perte de soi toujours future toujours
partie prenante et glacée
p.12
Ligne désœuvrée ligne ouverte
à ce qui se joue mortellement
dans l'espace écrit
par un glissement de nœuds
et la tergiversation
de l'écoute
ligne ouverte plusieurs lignes
comme leur sauvagerie s'allume contre la mer
et ravive
une autre fraicheur
en dessous
« Contumace » (Histoire de la lumière)
L’initiale
Poussière fine et sèche dans le vent,
Je t'appelle, je t'appartiens.
Poussière, trait pour trait,
Que ton visage soit le mien,
Inscrutable dans le vent.