La nuit grandissante
Malgré l'étoile fraîchement meurtrie
qui bifurque
— c'est sa seule cruauté le battement
de ma phrase qui s'obscurcit
et se dénoue —
il est encore capable, lui, de soutenir
la proximité du murmure
p.141
Ouverte en peu de mots,
comme par un remous, dans quelque mur,
une embrasure, pas même une fenêtre
pour maintenir à bout de bras
cette contrée de nuit où le chemin se perd,
à bout de forces une parole nue.
(extrait de " La nuit grandissante " in " L'Embrasure ").
.
LA LUMIÈRE N'EST PAS CONÇUE
Rien que pour toi, racine, pour toi, cyclone fourvoyé
dans cette strate du langage, le poète a favorisé I'épais-
sissement limoneux du sommeil où tu te ramifies. Le
livre dont il est l'otage et le garant, le livre incompulsé,
le livre intermittent, tourne sans hâte sur ses gonds dans
la terre, et chaque page à ton attouchement prend feu, et
sa substance se confond avec, le surcroît de ta sève, avec
le progrès de son sang.
Perfectibilité du vide, racine de l'amour. Cette équa-
tion, je l'ai vaincue avec un océan de terre ameublie par
mon souffle.
p.73
OU MEURTRES
Meurtre solsticiel
une intense gradation de fleurs
illisible
avant et après
/
La feuille déchirée pour lumière
sur le sol consolidé
nous marchons
/
L'aube et l'immobilité
comme du lait sur la pierre
savoir suppôt
d'un grand texte assombrissant
/
p.325-326-327
Extrait Ou meurtres
Une goutte de ton sang
des senteurs
de préhistoire
…
Meurtre non savoir
un effet de surface
et de soufre
…
Célibataire ou marié
à la folle des poussières
je hais le blanc dont tu sors
et le noir où tu danses et viens
…
Une encoche
dans le buis
seule
signe
pp.318, 320, 328, 331.
Il plonge à travers ses orages,
Le souffle à nouveau vivant.
L'angle du mur
Ma méditation ton manteau se consument
Pour te perdre mieux
Ou te mordre blanche.
La tour délivrée de son lierre croule.
La terreur conduit sous terre ma semence,
L'éclairé et la refroidit.
J'attends la déflagration.
Et je tutoie les morts, les nouveaux venus.
Celle que j'aime est dans leur camp,
Fourche, flamme et minerai.
Le sang qui brille sur la page de garde
Ne sera jamais le sien.
p.61
L'embrasure
Une forêt nous précède
et nous tient lieu de corps
et modifie les figures et dresse
la grille
d'un supplice spacieux
où l'on se regarde mourir
avec des forces inépuisables
mourir revenir
à la pensée de son reflux compact
comme s'écrit l'effraction, le soleil
toujours au cœur et à l'orée
de grands arbres transparents
p.190
L'issue dérobée
Sans le soleil, en contrebas
ce qui s'écrit c'est un corps
dont le soubresaut, dont le souffle
dont les crocs incestueux...
un corps où se creuse la route
de quelle plume trempée
dans les menstrues de quelle monstre
à travers quelle grille
caniculaire
un corps qui s'éboule, éclate
et s'agrège autour de sa crampe
à nouveau, et se dresse
faille du ciel effervescent
p.193
La nuit grandissante
Entre la diane du poème et son tarissement
par une brèche ouverte
dans le flanc tigré de la montagne
elle jaillit, l'amande du feu,
la jeune nuit à jeun
derrière la nuit démantelée
comme elle se doit elle se donne
et brûle
avec de froides précautions
l'ouragan fait souche
un éclair unit
la nuit à la nuit
p.145