car la joie se contente
de hasards
une rencontre, un livre
un chaton trouvé
ces brèches
dans la monotonie
du jour
qui remettent la douleur
à sa place
tu jettes
les clés de ta maison
et tu ouvres
tout grand tes coffres
en oubliant
ton ancienne indigence
tu n'attends plus
qu'on t'aime
pour aimer
Tu as décidé de vieillir
sereine
telle ta propre mère
et tu entends bien
tenir jusqu'au bout
ta promesse
Encore une fois tu célèbres la caresse pour amadouer le silence , le rendre moins sombre, le désarmer. Caresse, car tu crois en l'offrande des mains, printemps sur la peau, brise bleue, quelque chose comme une odeur de ciel douillet qui se lève, et le sol à vol d'oiseau, si fragile que tu voudrais le couvrir de forêts.
tu te prépares
à la nudité qu’il faudra
pour tes noces
avec la terre
D'année en année s'agrandit le cercle des poètes disparus,
tu apprends à vivre entourée de fantômes, tu t'inities à leur
langue, déjà tu peux leur répondre quand ils t'adressent de
longs silences.
Tu leur parles du coeur qu'il faut pour aimer, du courage
pour combattre, des livres qu'ils t'ont laissés. Tu leur en lis
des passages.
Il leur arrive de se renier, ils rient à pleine gorge d'avoir vu
si sombre alors que l'aube s'ouvrait à la lumière.
Tu te demandes comment agira ton âme quand elle n'aura
plus mémoire de la douleur. Peut-être sera-t-elle si soulagée
qu'elle oubliera tout regret.
(...)
tu as renoncé
aux étoiles filantes
et aux bijoux
qui font miroiter
les jours de fête
tu as réussi
à survivre
toutes ces années
en devenant une fille
de joies
raisonnables
souvent confondues
avec le bonheur
(...)
(...)
Tu as maintenant la patience d'attendre, tu sais que la joie viendra à toi si tu ne la brusques pas. Te voici prête à l'accueillir sans la contrarier.
Elle se présentera les mains tendues, voudra danser jusqu'au petit matin. Tu verras des soleils surgir d'une pauvre lampe. Tu confondras foi et magie, tu apprendras à formuler des vœux.
Elle repartira comme elle est arrivée, la joie. Tu n'en feras jamais ta demeure.
Mais tu lui construiras une halte dans ta poitrine, où tu pourras l'entendre respirer plus fort que ta douleur.
Tu fuis la beauté qui fait fi de la mémoire.
Tu refuseras d’aller dans un refuge, tu dormiras dans les boisés et tu nommeras les passereaux à partir d’un seul bout d’aile. Tu ne reprocheras plus à ta mère de ne pas t’avoir appris à voler. Tu lui rendras grâce de t’avoir montré, une nuit de décembre, comment mourir.
(...)
Tu as choisi le côté démuni du cœur, celui qui ne sait ni disserter, ni briller, ni convaincre, celui qui cherche la sérénité en plein milieu d'une phrase quand il ne trouve que du sang noir. Car tu espère encore pouvoir consoler, tu te réfugies dans cette pensée.
Il y a une volonté de la joie, et tu y consens.