Citations sur Mon corps ne vous appartient pas (15)
Nous n'avons pas de philosophie de la maternité, pas de philosophie pour penser l'expérience du corps féminin. Impensé, il est logique qu'il ne trouve pas sa place aujourd'hui dans les sphères intellectuelles, si ce n'est à travers des techniques qui visent à le maîtriser.
C'est à la femme d'anticiper, c'est elle que l'on doit dépister, que l'on doit rendre stérile. Éternel mythe de la putain à la chaude-pisse. Vieille fascination morbide pour l'intimité féminine où croupissent de putrides eaux originelles. Voilà donc notre mystère levé, la jeune femme doit subir ces examens pour faire proprement l'amour avec l'homme ! Belle image de l'amour en vérité que celui qui doit d'abord être autorisé, stérilisé par les médecins sur l'autel de la table d'examen. Stérile, c'est à dire à la fois infécond et propre, lavé de tout germe potentiel, microbe ou ovule. Le scabreux rituel a en réalité pour but ultime de prescrire à nos jeunes filles l'inévitable contraception chimique qui leur permettra d'être disponible sans risque et sans restriction au désir de leur partenaire. Avant d'autoriser une jeune fille à faire son entrée dans le monde des plaisirs faciles, il faut vérifier qu'elle soit saine et sans danger. L'examen gynécologique est le certificat d'assurance que tout partenaire est en droit d'exiger de l'objet de son désir. Il est interdit d'en dénoncer le caractère traumatique
Voilà cependant le corps juvénile allongé nu, sans doute pour la première fois, étrange défloration, sur le lit froid de la table d'examen, dans une posture non seulement humiliante, mais encore éminemment sexuelle. Que le médecin ne ressente aucune excitation à cette vue ne change rien au potentiel traumatique de cette posture, surtout quand on sait que, bien que pratiquée par la quasi-totalité des gynécologues français, elle n'est pas du tout nécessaire. Il est étonnant que notre époque, prompte à dénoncer partout toutes les formes de domination, ne se soit attaqué que très récemment à cette domination symboliquement sexuelle - certaines parlent de viol -
Pourquoi, à rebours de son plus proche voisin, le sexe de la femme est-il automatiquement considéré comme potentiellement malade, possiblement pourri, lieu dangereux où stagnent les miasmes ? Pourquoi devrait on systématiquement palper les seins de la femme et non pas les testicules de l'homme ? A peine pubere, la jeune fille est déjà une malade en puissance, comme si la féminité était en soi une menace pour son corps, comme si la sexuation était une condamnation. Et pourtant, nous répondra-t-on, il faut bien admettre cette étape, pour traumatique qu'elle puisse être, au cas ou. Au cas ou quoi? En vue de quoi ?
Or, pendant que mademoiselle est techniquement contrôlée manipulée, palpée, vidée, sans que jamais on n'évoque une alternative, qui est le grand gagnant de cette situation ? Qui a désormais le champ libre pour faire l'amour tout le temps, sans conséquence, avec des filles toujours plus jeunes ? Qui se voit dispensé des capotes peu ragoûtantes, d'une fidélité encombrante et d'une paternité menaçante ? L'homme.
Ambivalence de ce corps que l’on nie, mais dont on ne cesse de parler, que l’on avilit, mais que l’on ne cesse de désirer. Les corps des actrices pornos prouvent cette ambivalence du regard masculin qui désire et qui déteste, qui envie et qui méprise, ce corps maternel affleurant sous les formes convoitées. Car les seins qu’on embrasse sont aussi les seins qu’on allaitent, le sexe qu’on pénètre est aussi le sexe qui accouche. Voilà cette ambivalence que le corps de la femme évoque trop brutalement.
Si les femmes ne parlent pas, leur parole sera confisquée par les médecins, les laboratoires et les idéologues. La pudeur entourant le sexe profite à ceux qui en font leur business.
Cette position, allongée, nue, les jambes écartées, parce qu'elle est éminemment symbolique, est le lieu d'une domination terrible.
La toute jeune fille est vierge de tout attouchement gynécologique : une forme actuelle de l'innocence.
L’écologie, comme « science des conditions de l’existence » est la préservation des équilibres dans l’espace et dans le temps.