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Critique de rotko


rotko
13 novembre 2018
L'hiver, la station balnéaire est désertée, et peu attirante, sauf pour un auteur français de bande dessinée à la recherche d'un décor pour un nouvel album - et sans doute d'un oubli pour lui-même. On ne connaîtra cet épisode de saison que par l'intermédiaire d'une jeune fille, ex étudiante en littérature française, préposée à la cuisine rudimentaire dans un restaurant miteux et mal odorant.
C'est une miniature de la Corée, pays factice dans le décor clinquant de Séoul, le souci d'apparence des mannequins, contre la solitude des frontières hérissées de barbelés avec le voisin du Nord, la présence de Japonais, et des personnages ou décors d'arrière-cuisines avec déchets de poulpes dans un seau, ou des femmes avec bandages sur le visage…
Mais restons dans ce huis clos des deux protagonistes : Cette narratrice, non nommée, s'intéresse au visiteur inattendu : on le déduit des notations qu'elle fait de sa présence, de ses absences, de leurs rencontres imprévues - ou préméditées. Rejetés, les personnages secondaires, souvent rabroués ou que les comportements brusques de la jeune fille désavouent s'ils se montrent attentionnés ou intrusifs.
Elisa Dusapin pratique une écriture silencieuse ; les gestes, et les objets servent de révélateurs des humeurs, voire des attentes de la jeune fille.
Ses interrogations traduisent ses espoirs déçus, et les différentes étapes d'une carte du Tendre de son âge et de sa culture, sinon de sa condition.
Son regard, parfois indiscret, reste fixé sur le personnage de Kerrand, un homme silencieux que les dessins révèlent tourmenté par sa vie passée, et hanté par l'échec.
Au lecteur de combler les vides, de saisir les sentiments ébauchés, les aveux implicites, les réticences. Certaines scènes sont à comparer aux dessins inaboutis, mais à valeur sentimentale ou symbolique ; tel portrait se retrouve froissé dans une corbeille, tel dessin représente un cadeau ou une invitation. Mélancolie et ennui teintent le récit d'une aura romantique désabusée.
La tentation d'une vie ailleurs, et une fuite impossible rapprochent les deux personnages dont la communication reste trébuchante, au risque de l‘image de l'encre chez les deux personnages, elle détruit les dessins et rend la nourriture indigeste ou impropre.
J'ai bien aimé la délicatesse de touche de ce récit, très classique par la litote et la subtilité des notations, et qui s'achève sur des détails symboliques : traces encore présentes dans la neige, et une cicatrice sur un corps.
"Hiver à Sokcho" se situe dans la lignée des romans classiques, y compris « le silence de la mer », heureusement tonifié par le décor et la nourriture qui enracinent son originalité.
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