Ce qui sculpte une image, c'est la lumière.
En regardant bien, je me suis rendue compte qu'au lieu de l'encre, je ne voyais que l'espace blanc entre deux traits, l'espace de la lumière absorbée par le papier, et la neige éclatait, réelle presque.
J'ai tourné les pages encore. L'histoire se diluait. Elle s'est diluée comme une errance entre mes doigts, sous mon regard.
Lorsque lui dessinait, il donnait le sentiment de ne penser qu'au mouvement de l'avant-bras, l'image semblait naître ainsi, sans idée préconçue.
"La mer est assez vaste pour plusieurs héros, il me semble."
C'était un lieu sans en être un. De ces endroits qui prennent forme à l'instant où l'on y pense puis se dissolvent , un seuil, un passage, là où la neige en tombant rencontre l'écume et qu'une partie du flocon s'évapore quand l'autre rejoint la mer.
J'ai replacé ma main sur mon sexe déjà humide. De mon autre main, j'ai saisi ma nuque puis mes seins, imaginant un homme pour me pétrir, remplir mes hanches. J'ai caressé plus vite, plus fort, jusqu'à ce que mes cuisses vacillent, que la jouissance m'arrache un gémissement.
Ses doigts glissaient avec timidité sur le papier. Le pinceau balbutiait sur les proportions du corps. Du visage surtout. Elle prenait un accent oriental. Il ne devait pas avoir l'habitude de représenter des femmes, j'en avais peu vu parmi ses personnages. Lentement, ses traits se sont faits plus sûrs. Elle s'est mise à tournoyer dans une robe. Tantôt maigre tantôt voluptueuse, bras étendus ou ramassés, tordue toujours, elle se modelait sous ses doigts. De temps à autre, Kerrand arrachait un morceau de feuille pour le mâchonner.
" Le bruit de la plume s'est fait continu, lent comme une berceuse. Avant de m'endormir, j'ai essayé de retenir les images qu'il avait fait naitre en moi, de ne pas les oublier car je savais qu'elles auraient disparu quand je pénetrais dans la chambre le lendemain".
Il a écarté mon bras pour soulever mon pull. Mes seins se sont tendus. Sa main, glacée, plongée dans ma chair.
Suintant l'hiver et le poisson, Sokcho attendait.
Sokcho ne faisait qu'attendre. Les touristes, les bateaux, les hommes, le retour du printemps.