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Critique de ODP31


Un nouveau commandement ou bien une devise helvète ?
Et ben non, si Jean nous incite dans la Bible à nous aimer les uns les autres, ce que la plupart d'entre nous ont traduit par aimez-vous les uns sur les autres (et vice versa), Benoît Duteurtre est lui un apôtre au rictus qui se moque de ceux qui ont le don de muer des causes justes en radicalités absurdes. C'est un voyant, d'Etampes ou d'ailleurs, qui voit, lit et écrit l'avenir, non pas dans une boule de cristal ou les lignes de la main, mais dans un marc d'ironie. Humour noir et bien serré.
Nous sommes demain, après-demain au plus tard avec des relents d'hier quand on songe à certaines affaires. Mao est dans l'ennui. Pas seulement à cause de son prénom, fruit d'une idolâtrie parentale, mais parce qu'une mystérieuse et anonyme @Barbarella l'accuse sur les réseaux de harcèlement sexuel sans préciser de dates, de lieux ou de faits précis. L'homme, qui a la conscience tranquille, n'en est pas moins présumé coupable dans cette société des lendemains qui déchantent. La « brigade rétroactive » chargée de fouiner dans les historiques de monsieur tout le monde en remontant jusqu'aux vies antérieures pour détecter toute formule déplacée et étayer l'accusation, va exhumer de vieux dossiers. Pas de prescription quand il s'agit de « progressisme ».
Mao n'a pourtant pas le profil du vieux lourdaud mysogine et réac. C'est un universaliste dans l'âme. Il a appelé son fils Barack et il tente de respecter à la lettre tout un tas de nouvelles lois assez radicales et ridicules : il est ainsi possible de manger encore un peu de viande à condition d'aller tuer soi-même la volaille ou une vache dans un abattoir dédié (difficile d'envisager un tartare qui bouge), les règles de tri des déchets font les poubelles de Kafka et ont presque nécessité l'invention de nouvelles couleurs pour différencier la multitude de bacs imposés, les pièces de Molière sont réécrites pour effacer toutes les traces de domination patriarcale. La détestation du genre devient telle que la petite amie de Barack a été baptisée Robert par ses parents. Terminado les couleurs « girly » dans la chambre de bébé pour ne pas l'influencer dans sa future identité. J'en passe et des pires.
Il faut dire aussi que les peines sont dissuasives. Pas de prison mais des séances d'humiliations publiques dans des centres de réhabilitation.
L'époque est folle mais quelques récalcitrants dont Giusseppe, vieil artiste et mécène qui a transformé sa maison en paradis perdu des derniers jouisseurs, tentent de se préserver un espace de liberté avec quelques amis et beaucoup de mauvais esprits.
Rajoutez à ce récit d'anticipation à court terme un léger soupçon de théâtre de boulevard avec des portes qui claquent sur le passé et des secrets de famille qui passent par les fenêtres.
Une telle lecture, par ces temps bien lugubres, m'a dopé le sourire.
J'ai retrouvé avec plaisir l'humour et la verve de « La petite Fille à la cigarette » et de « La cité heureuse », moins présents dans les derniers romans de cet auteur, qui étaient un peu trop nostalgiques à mon goût.
J'ai bien ri mais, chut, ne me dénoncez pas.
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