Benoît Duteurtre -
Livre pour adultes .
Benoît Duteurtre vous présente son ouvrage "
Livre pour adultes". Parution le 18 août 2016 aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/benoit-duteurtre-
livre-pour-adultes-9782072548093.html Notes de Musique : When You Leave by Sergey Cheremisinov. Free Musique Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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"DONNEZ L'EXEMPLE
en répartissant les déchets de votre séjour :
papiers dans le sac bleu,
déchets divers dans le sac jaune.
En les déposant avant votre départ
dans l'espace poubelles du sous-sol
vous diminuerez l'empreinte carbone de votre voyage."
La noble intention cachait-elle un calcul mesquin ? Thomas, dans le passé, avait déjà remarqué certains paradoxes du discours écologiste quand, par exemple, sa banque avait invoqué la protection des forêts pour cesser de lui envoyer des relevés de compte - tout en continuant à l'inonder de courriers publicitaires. La même question se posait à présent devant le sac jaune et le sac bleu : s'agissait-il de protéger la planète ou de réduire le coût d'entretien des chambres ? Thomas comprenait pourquoi le personnel semblait si rare dans un établissement de luxe où il y avait si peu de linge à laver et de déchets à ramasser, puisque la clientèle se chargeait de tout. Mais comment contester une mesure visant à protéger la planète ? Le voyageur ouvrit donc le sac bleu pour y glisser ses vieux journaux.
Désignant le capot de sa voiture, elle annonça :
— Je vous présente Marcel.
Ils s'engouffrèrent côte à côte, tandis qu'Ophélie précisait :
— Marcel m'accompagne partout : c'est bien plus qu une bagnole. Il conduit mes aventures exactement comme Proust conduit mes pensées ! Et maintenant, David, à nous deux Paris !
Peut-être vivons-nous sous le règne d’une économie d'escroquerie. Notre époque a placé en tête de ses valeurs le culte de l'entreprise, la progression des courbes et des pourcentages : symboles sacrés qui permettent de tout exiger, de tout justifier, y compris l’appauvrissement d’un très grand nombre.
David réfléchit.
Il se dit que le monde qu'il aime a peut-être disparu depuis longtemps : ce monde des villes et des campagnes, des voyages et du temps perdu, ce cheminement de l'art, découvrant des façons nouvelles d'enchanter. Tout cela s'est perdu dans une modernité plus sommaire, occupée principalement de rationaliser, de rentabiliser, de produire et de reproduire.
Depuis trente ans, des spécialistes annoncent que l’effort débouchera sur la «sortie du tunnel», mais le tunnel se prolonge et chacun doit consentir de nouveaux sacrifices, qui renforcent la précarité ; je me demande : pourquoi une société si stable devait elle se décomposer ?
Est-ce un choix que nous avons accompli ou que d'autres ont fait pour nous ? Les responsables ont-ils menti ? Se sont-ils continuellement trompés ? Ont-ils changé de cap sans en informer quiconque ?
Mes doigts courent et j'éprouve une véritable jubilation. A ce degré d intensité, mon talent finira par éclater au-delà des cercles étroits de la presse professionnelle. Tel est l'avantage d'écrire dans Taxi Star : car beaucoup de décideurs utilisent le taxi. Un jour ou l’autre, mon édito tombera sous les yeux d’un chasseur de têtes.
Je relance une salve : «Les calculs électoraux du gouvernement expliqueraient-ils un certain relâchement dans le contrôle de la circulation à Paris — dont le maire n'appartient pas au même camp politique ? » Je n'en sais rien, mais mon audace polémique me fait sourire.
Toute notre vie est ainsi jalonnée par les extinctions d'êtres, d'objets, d'habitudes, comme autant de petits mondes qui s'éteignent pour toujours.
J'ai grandi de l'autre côté de la ligne, entre Paris et Manhattan, dans une ville maritime où les trains chargés de passagers arrivaient au pied des transatlantiques. Pendant cent ans, les paquebots ont traversé cette mer, chargés de passagers. Un jour, sans doute, l'un de ces bateaux a transporté un colis spécial, protégé par un détective : le Jardin à SainteAdresse — comme si ce qui avait commencé là-bas devait continuer ici.
Marchant au bord de l'eau, je relève la tête vers les buildings noirs de Wall Street où se reflète le soleil d'hiver. J'aspire de nouveau la mer et le sel à la pointe de New York, songeant au vieux Havre moribond, au monde vivant qui s'étend autour de moi, à cette nouvelle vie. Tout commence.
De mon côté, je songe que la modernité la plus radicale doit être celle d’Epicure, persuadé que, si la vie doit apporter le maximum de jouissance, il n’existe pas, au bout du compte, de plus grande jouissance qu'un verre d'eau et un rayon de soleil.
"J'ai toujours pensé que nous étions, nous, accidentés de la route, l'équivalent moderne des "gueules cassées" de 14-18. Hier, on envoyait les soldats au casse-pipe "pour la France". Aujourd'hui, des milliers de gens meurent sur les routes "pour l'économie". L-automobile sert d'aiguillon à l'industrie ; chaque année, il faut que la production augmente, avec son cortège de morts et de blessés. Nos grands-pères étaient mutilés de la nation ; nous sommes les mutilés de la consommation."