Je me faufile hors du lit en tremblant, enjambée la fenêtre pour atteindre le balcon et me tapis tout contre le mur de la maison. Il fait noir. Mon coeur tambourine, et j'ai le vertige. J'entends un inconnu traverser le couloir à tâtons, puis ma chambre. Je ne peux presque pas respirer. Je suis enceinte et je crains que l'enfant à naître n'ait peur avec moi. Je ferme les yeux. Dans le tramway, sous l'abri de tram, à la piscine, dans une salle d'attente, je laisse le jour à l'extérieur. C'est étonnant comme un mouvement de paupières efface le monde entier. J'aimerais pouvoir aussi rabattre mes oreilles. Mais je ne pourrais jamais me passer de montre; vivre sans montre me paraît épouvantable. (...)
J'ai mal aux jambes. Je n'entends plus de pas dans l'appartement. Je me relève doucement. Je grimpe à la fenêtre et rentre me mettre en sécurité, la sécurité que peuvent procurer quatre murs si un inconnu ne rôde pas autour du lit et ne vous tombe pas dessus comme un lourd sac noir pour vous étouffer. Il n'est plus possible alors de crier.
(L'inconnu)
Johanna adulte escalade la fenêtre de son amie ; elle se fait une tisane de camomille, fume un cigare et lit Thomas d'Aquin. Le soleil brille dans le petit miroir de la cage où la perruche fait sa toilette ; la lumière renvoyée par le verre rond sur le mur sautille à travers toute la pièce, comme si quelqu'un jetait une pièce d'or contre les murs.
(Le cadeau)